3 ateliers d’écriture poétique

Voici 3 ateliers d’écriture poétique pour faire progresser sa langue, arpenter de nouveaux sentiers, dire et contourner de manière plus originale une pensée. Tu es prêt, passager des mots ? Ces exercices sont très faciles, pour les petits et les grands.

Sans le dire.

L’écriture poétique utilise ce principe : dire sans le dire, du moins en le disant autrement, en faisant confiance à l’émotion et à l’intelligence de l’autre. La poésie apparaît comme un pont entre les hommes, construit sur une émotion et une intelligence individuelles, mais qui fait appel au collectif.

On pourrait dire : Il mange. Ou il avale sa pitance. Il graille. Il met en bouche quelques douceurs. Ce qu’il engouffre lui permet de survivre. Et dans son bec la vie glissait.

Quand on cherche d’autres mots, d’autres formules, on donne au texte l’intérêt de la singularité.

Consigne 1 :

Dire différemment, de plusieurs manières, les expressions suivantes : 15 minutes.

• Il boit.
• Elle s’assoit.
• Les enfants jouent.
• Les immeubles sont grands.
• Tu parles.

Exemple :

• Le liquide donnait à sa gorge toute raison de vivre.
• Elle mit ses fesses sur le sol, reposant une partie de son corps.
• Les petits d’homme sautent, courent, partagent, échangent, rient, et dans le mouvement encensent la vie.
• La pierre, les vitres, le béton, tout cela se hissait au-delà des cimes, créant une canopée grise, plate, parfois pointue, inabordable.
• Rends les mots que ton cerveau te donne. Avec l’habitude, il te surprendra !

Consigne 2 :

Pourriez-vous dire le froid, sans jamais le nommer ?

Ainsi que la guerre. La colère ou autres émotions. Une idée. Ou tout autre concept. 15-20 minutes.

Exemple sur le froid :

Je le sentis en petites piqûres, puis en modestes morsures, il venait se glisser sous les pulls, s’infiltrer sous la peau, impitoyable, il ralentissait mon cœur, engourdissait mes doigts, mettait ma vie en suspend alors que je marchais dans cette rue balayée par un vent d’hiver, féroce, conscient peut-être du mal qu’il faisait aux promeneurs, heureux d’exister dans le tourment.

Florence Dalbes

Comme une métaphore

2° atelier d’écriture poétique : la métaphore, la comparaison, l’image sont des éléments indispensables pour l’écriture poétique. On les retrouve d’ailleurs dans tout type de textes, des nouvelles ou des romans.

La métaphore utilise un terme dont le champ lexical renvoie à une idée. Si je dis « Mon patron est un requin », on sait que le patron est un homme plus ou moins dangereux prêt à manger son prochain pour obtenir ce qu’il veut. Manger est aussi une métaphore. On sait qu’ici le patron est surtout prêt à tout, même à renverser ses proches pour obtenir ses désirs.

La comparaison utilise le terme Comme ou Pareil à. Cela rend le texte plus facile à comprendre.

Dans ce poème de Louis Aragon, la Diane Française (1946), nous trouvons les deux.

Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé.

Ma déchirure est une métaphore, comme un oiseau blessé une comparaison.

Consigne 1

Pourrais-tu, cher passager, écrire un couplet avec une métaphore ? Et un autre avec une comparaison ? Ou tout faire dans le même. 15 minutes.

Exemple :

Tu es le lion de mon cœur

Tu y rugis comme un mourant.

De ta force, mon erreur,

je suis l’angle perdant.

Florence Dalbes

Ici, on fait référence à un amour malheureux, à quelque chose de puissant, mais qui nous détruit, qui nous coince. Ce peut-être l’image d’une femme qui aime un homme qui la bat. Comprends-tu autre chose ? Le langage peut renvoyer plusieurs messages, celui qui le reçoit l’entend en échos à sa personnalité.

Consigne 2 :

Pourrais-tu écrire un texte où tu t’adresses à quelqu’un, homme ou animal, et égrainer les images et métaphores ? 15 minutes.

Exemple (si je m’adresse à mon chat récemment disparu).

Ma plume noire

Tu es l’ombre de mon sommeil,

le cri du matin,

la muse de mes textes

La boule devant le poêle,

Le tapis étalé au soleil,

Le cœur de ma respiration

Le chant de mon inspiration

tu es liquide entre les meubles,

Un poids doux sur mes genoux

Du réconfort sous mes doigts

Un souvenir long et pénétrant.

Florence Dalbes

De sens et de son

3^e atelier d’écriture poétique : la poésie renvoie au rythme, aux sons, aux sens déguisés. Elle joue avec les rimes (même son), les allitérations (mêmes consonnes), se lit comme un chant qui embarque celui qui l’entend.

Oui, la poésie séduit, enroule les émotions, capture la sensibilité de son auditoire.

Pour cela, leurs auteurs entremêlent les sons, les rythmes, les sens, font sonner leurs phrases comme des tambours, du violon, ou de la trompette. Cela fait bouger les pieds des lecteurs, ils vont être embarqués dans la lecture du poème.

Consigne 1

L’allitération. Ces serpents qui sifflent sur nos têtes… vous entendez ce sifflement ? L’allitération porte le sens de ce qu’elle veut dire, avec ce que provoque une consonne. Les l, légers, fluides, n’ont pas le même effet que les t, percutants, truculents.

Alors, choisis ta consonne et écris un petit texte avec le maximum de mots la contenant. 10-15 minutes.

Exemple :

l’allure ailée du livre libère l’esprit lové dans la librairie. Ils sont là, tout serrés et silencieux, mais toujours illuminent l’œil du lecteur, lentement éloigné du réel. Lui, il le sait, ici se frôlent des mondes latents, des lueurs éclatantes comme des loupiotes intermittentes.

Florence Dalbes

Consigne 2

La rime. Elle n’est pas obligatoire, la poésie peut s’en passer. Mais la contrainte libère les idées. Donner le même son à la fin de plusieurs vers n’est pas sans effet. C’est comme une chanson qu’on voudrait chanter et retenir.

Alors, cher passager, peux-tu dans un texte trouver le même son à la plupart des mots ? On peut rester simples, sans compter les vers, sans compter les pieds. Tu peux choisir deux sons si ça te paraît plus facile ou plus joli. 15 minutes.

Exemple

Il est une illusion qui me consomme et me donne l’ordre de mes missions.

Je rentre en fusion quand tu claironnes et me réponds

Je rentre en fission quand tu abandonnes ma condition.

Au soir bleu de l’horizon, tu es homme

Au bras long et ta couronne fond.

Florence Dalbes

Conclusion

Ces 3 ateliers d’écriture poétique peuvent être répétés souvent, de temps en temps, à quelques moments ! J’ai commencé l’écriture de cette façon, par la poésie, jouant avec les mots et les formules. Je suis persuadée que cela forge une capacité singulière de l’écriture. On finit par penser ainsi, en poésie.

Pour d’autres exercices, clique ici ou rendez-vous sur la page Les passagers en écriture.

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