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Est-ce que cela vous dit d’essayer des consignes d’écriture simples, à mettre en place en début d’année d’atelier ? Comment peut-on déclencher l’acte d’écrire avec peu, un mot et du temps, l’envie et l’espace pour s’asseoir devant une feuille ? L’apprenti écrivain doit s’échauffer, tirer doucement la ficelle, laisser venir, lâcher la bride, avant de s’engager dans des projets plus ambitieux. Parfois, il manquera de mots, se tournera vers les images, la musique, contournera. L’animateur d’atelier d’écriture donne des pistes, des bouts de ficelle, et laisse venir, lui aussi… Il m’arrive d’ailleurs d’utiliser les idées des participants, de rebondir sur leurs réactions, de maintenir ainsi une certaine spontanéité. Prêts à attraper la ficelle ? C’est parti !
Consigne sur la saison
C’est toujours une valeur sûre. Entrer dans une saison apporte une espèce de renouvellement de soi, de changements d’habitudes partielles et provisoires : pour la rentrée ou l’automne, par exemple, on range les habits d’été, on achète du raisin, des nouveaux crayons, on prépare des soupes, on espère de nouvelles rencontres, on tente de nouvelles activités… on reprend le travail. Voyons quelques consignes faciles à mettre en place, et plutôt simples pour les participants débutants.
D’après un texte
Les grands auteurs ont écrit sur tout bien avant nous et de multiples façons. Sans les copier tout à fait, nous pouvons nous en inspirer. Pour cette année, par exemple, j’ai pris un texte de Anna de Noailles (1876-1933).
AUTOMNE
Puisque le souvenir du noble été s’endort, Automne, par quel âpre et lumineux effort, – Déjà toute fanée, abattue et moisie, – Jetez-vous ce brûlant accent de poésie ? Votre feuillage est las, meurtri, presque envolé. C’est fini, la beauté des vignes et du blé ; Le doux corps des étés en vous se décompose; Mais vous donnez ce soir une suprême rose.
– Ah ! comme l’ample éclat de ce dernier beau jour Soudain réveille en moi le plus poignant amour! Comme l’âme est par vous blessée et parfumée, Triste automne, couleur de nèfle et de fumée !
(Anna de Noailles)
Recueil: Je serai le FEU (Diglee) Editions: La ville brûle
S’inspirer de la littérature enrichit notre culture et notre pratique par l’exemple. C’est toujours une piste à suivre. Proposer plusieurs textes sur l’automne, si l’on reste sur le modèle de l’automne (ça marche aussi avec les autres saisons👌) , est une approche encore plus fine (mais qui nécessite plus de temps), puisqu’on peut demander aux participants de sélectionner un texte de leur choix. Cela les oblige à analyser et à cibler ce qui leur ressemble, sur le plan de la sensibilité en écriture.
D’après une image
L’image peut être décortiquée en amont, pour les plus jeunes, afin qu’ils en extraient tous les termes, ainsi que toutes les sensations. Il y a dans la représentation ce qu’on voit, mais également ce qu’on entend (le bruissement des feuilles, le vent…), ce qu’on touche (la terre humide, les feuilles sèches), ce qu’on sent (le pétrichor, les fumées des cheminées…).
Consigne d’écriture : écrire l’automne.
Voici une image qu’avait proposée spontanément un de mes participants :
Il l’avait accompagnée d’un texte qu’il avait créé. On peut, notamment avec des plus jeunes, présenter cette consigne qui débloque bien l’acte d’écrire. On fonctionne beaucoup avec le visuel dans notre société, qui a l’avantage de nourrir l’imaginaire, de lui apporter un matériel qu’on peut ne pas avoir si l’on manque de pratique (tout le monde ne fait pas appel à son pouvoir créateur et certains se retrouvent même démunis quand on leur demande d’imaginer). À partir de l’image, on va pouvoir faire sortir les mots. Les sens. Et à partir de cela, faire écrire.
On peut utiliser une image simple, comme celle-ci, une photographie d’un photographe célèbre, ou une peinture célèbre, ou au contraire demander aux participants d’amener leurs propres photos, celles qu’ils auront prises, eux.
Comme on le voit, selon le contexte de l’atelier, le public, le temps qu’on a, on peut décliner l’exercice à sa guise.
Consigne de présentation
C’est une consigne d’écriture basique, mais qui fonctionne toujours. Je ne vais pas m’étendre sur ce paragraphe, parce que j’ai déjà proposé ces exercices, et même écrit un article dessus (et d’autres l’ont fait mieux que moi).
Si j’étais une plante, je serais… Si j’étais un animal, je serais…
C’est facile, amusant, on trouve toujours une réponse. Chacun peut aller chercher en lui ce qui résonne, ce qui lui ressemble. Cette exploration de soi en image amorce déjà l’acte d’écrire et le processus intellectuel qui l’accompagne. On retrace son portrait en se décalant, en l’imageant, en se faisant fiction. On se questionne, et écrire c’est bien cela, se questionner, questionner notre humanité, notre condition.
Sur ce blog, ici, vous trouverez plusieurs manières de le décliner.
J’aime…
On peut associer la connaissance de soi avec l’exercice de l’énumération (toujours efficace). Le principe est d’écrire pêle-mêle tout ce qu’on aime.
Exemple : J’aime le soleil, le bruit de l’eau sur les rochers, le pétillant de la bière, tes mains sur mes hanches, j’aime les sanglots longs de l’automne, l’esprit rieur du printemps, la cadence du métronome…
On peut chercher des formules connues, les petits riens de l’existence qui nous font du bien, une image qui nous plait, le goût des choses qu’elles soient alimentaires ou non…
On peut aussi tenter l’exercice suivant : jouer avec les sons, et les lettres.
Avec « s », j’aime…
Voici un exemple à votre droite. Il suffit de choisir sa lettre et ses mots. Cet exercice se fait très facilement en atelier d’écriture avec des collégiens, ou des élèves de primaire. Les adultes s’y distrairont peut-être moins, mais quand on aime chipoter avec les mots on s’amuse avec tout !
Aller chercher ce qu’on affectionne permet d’avoir sous la main (dans notre esprit) notre matériel de travail. Cela ne demande pas un grand effort d’imagination, mais un brin de poésie, toutefois. En accordant à la vie toute notre attention. Et à notre ressenti, la part essentielle qu’on lui doit quant à notre bonheur sur terre.
Les expressions “déclencheuses”
Les consignes d’écriture simples peuvent amener à de grandes choses complexes et singulières. Les expressions « déclencheuses » ont ce pouvoir. En atelier d’écriture, on cherche ce qui va déclencher l’écriture (et oui !😊) Un mot, un seul, et vrouuum ! Le moteur se met en route, la cavalcade de phrases suit ce terme qui, telle une ficelle suspendue au plafond, n’attendait qu’à être tiré pour faire tomber sur nous tout ce qui était rangé au grenier.
Dans ces expressions, on trouve :
Dans ma poche, j’ai… (ce qui marche très bien avec les plus jeunes), et se décline avec : dans ma boîte, dans mon chapeau… Elle fonctionne très bien avec le jeu des énumérations.
J’aime (comme on vient déjà de le voir)…
Avec éclat (beaucoup de jeux de mots peuvent être faits avec éclat)…
Sur le bord (ou Dans le fond, Sur le mur)…
Peut-être…
Retourne-toi…
Regarde…
Quand dans l’air…
Habiter…
A l’horizon, je vois…
Quel trait d’union…
Quand j’y pense…
On pourrait chercher ces « déclencheuses » sans se lasser. Pourquoi ça marche ? Parce que cela peut provoquer une énumération, déjà, et elles suggèrent des images fortes, souvent singulières, mais également un inconscient collectif habité (l’horizon fait penser au lointain, à nos rêves, le possible ou l’inaccessible ; le mur à ce qui sépare, se dresse, sur lequel on peut écrire, s’appuyer…, dans l’air, on peut y trouver du visible, de l’invisible, une respiration, de vastes sujets de réflexion). Puis elles appellent au jeu de mots, parfois faciles, parfois poétiques : éclat de verre, de terre, de fer, d’amour, d’ombre, de moi, de toi, sur le bord de la branche, des lèvres, du précipice, de la raison, de la route, de la vie…
On peut mêler du consensuel au fur et à mesure à de l’intime ou de l’image décalée, et c’est vraiment comme une dorica castra : marabout bout de ficelle — selle de cheval — cheval de course, etc. cette figure de style qui joue avec les syllabes.
L’esquisse intuitive
Ou le graffiti sur la liste de course ! Le concept de l’esquisse intuitive n’est pas de moi, mais d’une de mes participantes, appelée Val Blue (merci à elle). Peut-être peu inspirée par mes consignes, et avec un fort désir de se lâcher, elle a créé l’esquisse à votre droite, pleine d’idées, de fantaisies et de « ficelles ». J’ai eu envie de rebondir dessus pour une nouvelle consigne, Tout commence par un G.
En réponse et en privé, j’ai eu un autre graffiti (toujours sur le support de la liste de course !). Tout ce que la personne veut exprimer se retrouve parfois plus facilement sur un dessin. Il est possible de l’adapter ensuite en texte (comme on adapte un livre en film). En commun, nous avons ressorti tous les mots issus du croquis, pour en rédiger un texte.
D’ailleurs, Val Blue a refait cet exercice, l’adaptation de sa propre esquisse :
Une farand’Oeil sortie de nulle part..
Une croche scellée à son double, bizarrerie.. des lunettes !
Un visage au grand nez, cheveux en pétards, formés de deux beaux toupets de joncs des marais.
Quelques lettres ensorcelées, M ; U, N, accouchant leur reflet à l’infini
Un joli T attend là sagement..
Deux gros G au museau de renard se font dos, rêvent-ils d’une quelconque mutation ?
Et ces paires d’Yeux en tout sens , colonisant le feuillet..
Je crois que c’est la consigne qui a inspiré le plus de participants. L’esquisse peut donc permettre d’écrire, quand on a du mal à lâcher la bride, autrement dit la phrase et le texte. On peut commencer par le graffiti et à la suite tirer les ficelles…
Pour conclure
Piochez dans ces consignes d’écriture simples à utiliser en atelier d’écriture, ou chez soi, quand on voudrait commencer un recueil de textes. Ces textes peuvent devenir des poèmes. Parfois, des amorces de nouvelles, de romans. Ils sont toujours une exploration de soi, de notre singularité. Tirez les ficelles, lâchez la bride ! Prenez les rênes et galopez sur votre monture littéraire.
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