Des maisons d’édition originales : l’Astegore

Toujours en quête des chemins de traverse, je m’intéresse beaucoup aux maisons d’édition originales (et indépendantes) qui surgissent dans la jungle littéraire. En effet, sur les 10000 maisons d’édition, environ, qui existent en France (selon le SNE), il est primordial de se démarquer, de trouver sa niche et son public. J’ai découvert quelques minuscules îles, comme ça, de braves petites coques, ou de drôles de poissons, et je me suis permise de les interpeller pour leur poser quelques questions. Nous avons déjà, chers passagers, questionné les choix qui s’offrent aux écrivains, entre l’auto-édition et l’édition, les publications plus ou moins écologiques, et bien voici une série d’articles que je vous propose de suivre, sur les maisons d’édition atypiques qui pourraient éventuellement vous toucher. C’est parti avec notre première petite bulle de savon parmi les maisons d’édition originales : L’Astegore !

Qu’est-ce que L’Astegore ?

Une maison d’édition originale, l’Astegore ? Certainement ! Le nom est en soi une curiosité. Sur leur site, les trois fondateurs de la maison en donnent l’explication suivante :

« Pour certains, cela évoque un vieux navire intrépide, pour d’autres, une cabane perdue dans les bois, un vaisseau spatial futuriste ou encore une créature mythologique oubliée… Toutes ces interprétations se valent. L’Astegore ne signifie rien d’autre qu’elle-même, et c’est aux lecteurs d’y apposer le sens qu’ils souhaitent. »

À nous, donc, lecteurs, d’en donner l’explication qui nous convient le mieux. Pour en revenir à des détails plus… triviaux, voici la carte d’identité de la maison.

Carte d’identité :

• Nom de la maison : l’Astegore
• Date de création : Mai 2023.
• Lieu : Valflaunès, Occitanie.
• Nom de l’éditeur : Aldicius, Esther et Simon.
• Combien de personnes travaillent dans la structure : trois
• Comment sont distribués les livres : par notre distributeur : Dod&Cie, et par nos soins (diffusion dans les librairies alentour)
• Contact pour tout projet : contact@astegore.com

Interview

Écrire un article sur une maison d’édition sans interpeller ceux qui en sont à l’origine me paraît inconvenant. J’ai donc préféré poser des questions et laisser une place sur mon blog à ceux qui en parleraient le mieux. Merci à Esther, Aldicius et Simon, jeunes gens audacieux et passionnés, pour leurs réponses.

Qui êtes-vous, en quelques mots (allez, quelques phrases) ? Quel type d’animal êtes-vous ?

Nous sommes Simon, Esther et Aldicius, trois amis d’enfance d’horizons différents qui, par passion commune pour les livres, avons décidé de nous lancer, un peu par folie, un peu par défi, dans l’aventure de l’édition. Nous sommes trois animaux aux personnalités bien différentes, ce qui nous permet d’être assez complémentaires au sein de ce petit écosystème.

Peut-être un mot sur votre parcours ?

Esther Raschilas a fait des études de sage-femme, Simon travaillait dans la maintenance informatique et Aldicius était illustrateur-graphiste : aucun d’entre nous n’était prédestiné à ce type de carrière, mais le hasard nous a réunis.

Quelles sont les caractéristiques de votre maison d’édition ? Pourquoi va-t-on l’aimer ?

Notre maison d’édition propose des ouvrages littéraires et graphiques. Dans nos livres, texte et image sont indissociables : si on enlève l’un ou l’autre, une partie de l’œuvre s’efface. Le travail de mise en page et de graphisme est au centre de ce mariage.

Enfin, amoureux de l’objet livre en lui-même, nous avons à cœur de proposer de beaux ouvrages, tant sur le fond que dans la forme.

Quel est le cheminement qui vous a amené à ce genre d’édition ?

Les formats que nous proposons, s’ils sont courants dans la littérature jeunesse, nous semblaient manquer dans le paysage actuel de l’édition adulte. Nous avons donc simplement décidé d’apporter notre pierre, aussi modeste soit-elle, à ce vaste édifice.

Quel serait le public visé ?

Notre public est varié, même s’il s’agit d’une niche : à ce jour, nous avons de la poésie, de la philosophie et du récit de voyage. Nous ne visons pas un public particulier, si ce n’est des gens attirés par la littérature et les arts graphiques en général.

Quel est le retour actuel du public ? Est-ce conforme à vos attentes ? Ou avez-vous été surpris ?

Même si certaines personnes ont du mal à nous ranger dans une case, dans l’ensemble les retours sont très positifs ! Nous n’avions pas d’attente précise à ce sujet, mais nous avons été ravis d’être reconnus et encouragés dans notre démarche éditoriale et artistique !

Quels sont les types d’auteurs que vous recherchez ? Et qu’est-ce que les auteurs cherchent dans votre maison d’édition (ou qu’est-ce qu’ils trouvent) ?

Nous cherchons des artistes de tout type, romanciers, poètes, peintres, photographes, dessinateurs, qu’importe : ce qui nous tient à cœur est d’œuvrer avec eux pour mener à bien des projets qui nous touchent. Les auteurs peuvent trouver chez nous un accompagnement et une écoute attentive à leurs projets et leur démarche artistique.

Quels sont les projets en cours, ou futurs ? Des auteurs avec qui vous allez travailler ?

Navrés, mais nous préférons ne pas communiquer sur nos parutions à venir pour le moment.

Quels sont les objectifs en termes de parutions par an ?

Nous n’avons pas d’objectif donné : nous ne souhaitons publier que des projets qui nous tiennent à cœur, et dont nous nous sentons de les porter et de les accompagner dans la durée, aussi nous ne nous sommes pas fixé un quota annuel à honorer.

Quelle est votre réflexion sur le monde de l’édition actuel ?

Comme beaucoup d’autres milieux aujourd’hui, l’édition est une industrie. Nous regrettons qu’une course à la surproduction envahisse ainsi le marché, le tout au détriment des artistes, des œuvres et même du public. Toutefois, il ne faut pas généraliser : nous avons la chance de vivre à une époque ou de nombreux projets viennent repousser les limites de ce qui semblait possible, et le paysage, bien que dominé par une logique mercantile, est plein de bonnes surprises !

Quel serait votre idéal (dans le secteur de la littérature) ?

Une littérature vivante, organique et variée.

Si vous deviez donner une couleur à votre maison d’édition, quelle serait-elle, et pourquoi ?

Nous ne pensons pas avoir une couleur précise, facilement identifiable. Sans doute sommes-nous comme ces pierres irisées qui, selon l’angle de la lumière et le point de vue de l’observateur, offrent au regard des nuances et des reflets changeants. Le monde n’est pas monochrome, nous espérons ne pas l’être non plus.

Chronique de Elucubrations Nocturnes : autochroniques, d’Aldicius.

Vous voilà alléchés, curieux de lire un des livres de la maison ? J’ai testé pour vous (enfin surtout pour moi) Les autochoniques d’Aldicius.

Parfois, j’ouvre un livre sans savoir ce qu’il y aura dedans. Alors bien sûr, il peut exister un décalage entre ce que j’imaginais et ce qui est sous mes yeux (je suis du genre mauvaise élève, à ne pas lire les notices, ni les résumés, et les consignes en diagonale).

J’ouvre donc ce livre, par conviction, par principe, parce que ce sont de jeunes éditeurs du coin (enfin de mon coin, de ma région), et que je suis curieuse. Je m’attends sans doute à un album graphique, parce que je n’ai pas analysé le terme autochroniques, sur la couverture. Ni même élucubrations. Ni nocturnes.

Le titre est bien Elucubrations nocturnes : autochroniques.

Il veut bien dire ce qu’il veut dire, mais moi j’anticipe de la fiction, de la prose poétique, de l’album pour adulte. Au début, je trouve ça long, parce que j’ai mis un moment à me recentrer, ou plutôt à me décaler. Il faut savoir faire un pas de côté, changer de point de vue, pour apprécier ce qu’on n’attend pas, qu’on ne reconnaît pas. Et je suis du genre à faire un pas de côté.

Et je plonge. C’est un album philosophique. L’auteur, une nuit de pleine lune, gagné par l’insomnie, égraine ses pensées, quelques souvenirs, beaucoup de réflexions. Il parle de liberté, de réalité, de politique, de société… le tout est accompagné d’illustrations. Certaines plutôt artistiques, d’autres humoristiques. Cette alternance est étonnante, mais bienvenue. On tourne autour du noir, du rouge et du bleu, et j’affectionne beaucoup ce style sobre et poétique.

J’adhère

C’est facile pour moi d’aimer le contenu, parce que j’adhère à la plupart des réflexions, et en cela je ne suis pas assez bousculée, même si je devine une expérience plus profonde, plus organique de ce vécu en marge. Douter de l’existence de la conscience ne me serait pas venue à l’idée, par exemple. Aldicius s’appuie assez peu sur d’autres théories d’experts tels que des philosophes ou des scientifiques, mais arrive à nous faire cerner ses concepts par des images très parlantes. On sent une personne autodidacte et très concernée par le monde.

Après la lecture, j’ai eu envie de faire découvrir cet ouvrage à des jeunes, avant qu’ils ne plongent tête la première dans la société qu’on leur offre. Qu’ils réfléchissent à leur marge de liberté. La liberté est une prise de conscience, mais si la conscience n’existe pas, est-ce que la liberté peut exister ?

C’est un ouvrage philosophique que je ferais lire facilement à de jeunes adultes, mon public de prédilection, et à des adultes. J’ai d’ailleurs eu un retour très positif d’une lycéenne sur l’autre livre d’Aldicius. Moi qui à seize ans m’entêtais à lire L’homme révolté de Camus, sans bien comprendre (l’ai-je d’ailleurs terminé un jour ?), j’aurai adoré découvrir un livre comme celui-là. Et j’ai d’ailleurs adoré le lire, prête à m’emparer des autres ouvrages !

Petit bonus, le format est agréable et le grain de la page est déjà en soi un voyage. Un bel objet pour une belle pensée.

Pour finir

Des maisons d’édition originales : l’Astegore est à découvrir. Elle offre ce qui dans la littérature est le moins “consommé” : de la poésie et de la philosophie. Une alliance texte-image plutôt rare, et c’est en cela qu’elle fait la différence. J’espère qu’elle perdurera et nous offrira de nombreux ouvrages.

Sur Instagram : https://www.instagram.com/lastegore/