Des maisons d’édition originales : Avallon/Loreleï. Voici donc la suite de ma quête concernant les maisons d’édition qui prennent les chemins de traverse ! La dernière fois, nous avions mis en lumière Astegore. Cette fois, je vous présente une maison implantée en Occitanie depuis un peu plus longtemps et avec une plus large palette de collections. Sa différence ? Avalon est une maison d’édition à but non lucratif qui laisse une marge importante à l’auteur. Ça vous dit de la découvrir ? Moi oui ! C’est parti !
D’où vient le nom, Avallon /Loreleï ?
Les noms d’Avallon et Loreleï ont été choisis au moment de la fondation de notre maison d’édition. Ils possèdent une part de mystère que nous préférons ne pas dévoiler, laissant libre cours à l’imagination de chacun. Ces noms évoquent des univers riches et variés, propices à la littérature, et reflètent notre ambition de proposer des œuvres qui captivent et inspirent.
Carte d’identité :
- Nom de la maison : les éditions d’Avallon/éditions Loreleï ;
- Lieu : Saint-Clément-De-Rivière (Occitanie) ;
- Nom de la collection ou de la nouvelle identité si c’est une évolution : Les éditions d’Avallon comprennent quatre collections : « littérature contemporaine », « noire & suspense », « fiction populaire » et « Loreleï » (romances) ;
- Date de création : Février 2020 ;
- Nom de l’éditeur : Le président est Florian Chiron. Le responsable éditorial est Nicolas-Raphaël Fouque ;
- Combien de personnes travaillent dans la structure : une salariée à temps plein et une dizaine de bénévoles ;
- Comment sont distribués les livres : nos livres sont distribués par Immatériel en version imprimée en France, Belgique, Luxembourg et Suisse, et toujours par Immatériel au niveau mondial pour la version numérique ;
- Les collections : littérature contemporaine ; “noire & suspense” ; “fiction populaire” et “romance Loreleï” au travers de nos marques éditoriales “Avallon & Combe” et “Loreleï”.
Qui êtes-vous en quelques mots (allez, quelques phrases) ? Quel type d’animal êtes-vous ?
Je suis Nicolas-Raphaël Fouque, responsable éditorial des éditions d’Avallon, une maison d’édition non lucrative dédiée à soutenir les auteurs avec des droits majorés. Si je devais me comparer à un animal, j’aimerais être un hibou. Celui-ci symbolise la sagesse, la tranquillité, une forme de force tranquille toujours attentive aux talents émergents et aux évolutions du monde littéraire, mais je sais que je suis encore loin de toutes ces qualités auxquelles j’aspire.
Quelles sont les caractéristiques de votre maison d’édition ? Pourquoi va-t-on l’aimer ?
Les éditions d’Avallon se distinguent par notre engagement envers les auteurs, offrant des droits majorés et un accompagnement personnalisé. Nous privilégions la qualité littéraire et la diversité, publiant aussi bien des premiers romans que des œuvres d’auteurs confirmés. Nos lecteurs apprécient notre passion pour la littérature contemporaine et notre capacité à découvrir et promouvoir de nouveaux talents. Nous faisons aussi de la republication d’œuvres d’auteurs contemporains afin de leur donner une nouvelle vie. Dans le système éditorial traditionnel, les maisons d’édition publient des inédits, puis, sans exception, les retirent. Nous faisons le choix de leur permettre d’exister durablement avec un maintien permanent au catalogue en travaillant sur des tirages ajustés à la demande. C’est un engagement éditorial, littéraire et écologique.
Quel est le cheminement qui vous a amené à ce genre d’édition ?
La création des éditions d’Avallon a été motivée par le désir de proposer une alternative aux maisons d’édition commerciales, en mettant l’accent sur le soutien aux auteurs et la promotion de la diversité littéraire. En tant que passionnés de littérature et acteurs dans le milieu éditorial, nous avons voulu créer une structure qui valorise les auteurs et leur travail, tout en offrant des œuvres de qualité aux lecteurs. À titre personnel, j’avais déjà publié dans deux autres maisons d’édition commerciales et cela m’a donné l’idée qu’on pouvait faire différemment sans chercher le profit. Nous avons alors souhaité proposer une démarche différente, innovante et écoresponsable.
Quel est le retour actuel du public ? Est-ce conforme à vos attentes ? Ou avez-vous été surpris ?
Le retour du public est très positif, et nous avons vendu plus de 100 000 exemplaires au cours des trois dernières années (imprimés et numériques) et avons toujours réussi à maintenir notre équilibre financier. Nous nous sommes développés avec de nouvelles collections et repris des catalogues de maisons d’édition qui souhaitaient cesser leur activité et maintenir les œuvres qu’elles avaient éditées. Enfin, nous avons pu créer un emploi. Pour une maison d’édition de l’économie sociale et solidaire, travaillant avec un soutien public limité, c’était très important d’atteindre un équilibre économique par nous-mêmes et ne comptant que sur nos propres forces. Ce succès confirme nos attentes et nous encourage à continuer dans cette voie. Nous avons été agréablement surpris par l’enthousiasme des lecteurs et le soutien de la communauté littéraire.
Quels sont les types d’auteurs que vous recherchez ? Et qu’est-ce que les auteurs cherchent dans votre maison d’édition (ou qu’est-ce qu’ils trouvent) ?
Nous recherchons des auteurs passionnés, avec une voix singulière et des histoires captivantes, qu’ils soient débutants ou confirmés. Les auteurs trouvent chez nous un accompagnement personnalisé et un véritable partenariat basé sur le respect et la valorisation de leur travail. Nous souhaitons avant tout travailler sur la durée avec les auteurs et ne pas nous limiter à la publication d’un seul titre.
Parlez-nous de vos auteurs.
Nous avons plus d’une centaine d’auteurs, chacun ayant une importance particulière pour nous. Il faudrait tous les citer pour leur rendre justice. Parmi eux, Béatrice Hammer a publié 23 titres chez nous. Elle a également été publiée par des maisons comme le Mercure de France, le Rouergue, le Serpent à Plumes et Arléa. Cathy Borie publie également très régulièrement chez nous (quatre romans à ce jour). Gaëlle Fonlupt, auteure de Elle voulait vivre dans un tableau de Chagall, lauréate du Prix Max Jacob découverte, fait également partie de nos auteurs importantes.
Nous avons également au catalogue deux romans de Michel Quint, célèbre pour Effroyables jardins, adapté au cinéma par Jean Becker et en sélection pour le Prix Renaudot. En romans noirs, Léo Lapointe a été également adapté pour la télévision et a publié chez nous quatre titres. La collection noire & suspense accueille également des grands noms comme Christine Desrousseaux, Jean-Marc Demetz, Philippe Masselot, Gérard Lecas, André Desmarais et bientôt Danielle Thiery. Certains ont publié chez Gallimard à la série noire, chez Calmann-Lévy, chez Denoël, chez Fayard…
Nous sommes également fiers de publier G.J. Arnaud, auteur de La compagnie des glaces, la plus grande saga de science-fiction de langue française. En romance Loreleï, nous avons d’excellentes autrices reconnues. Je pense notamment à Aurore Dumas, Rose Morvan, Linda Sayeg, Julie Gaillard ou Tarah W. Anderson. D’autres vont nous rejoindre très prochainement. Ces auteurs représentent bien la diversité et la richesse de notre catalogue.
Où trouve-t-on les livres ? Arrivez-vous à les faire connaître en dehors de l’Occitanie ?
Nos livres imprimés sont disponibles partout en France, en Belgique, en Suisse francophone et au Luxembourg. Les versions numériques de nos livres sont accessibles partout dans le monde grâce à notre distributeur/diffuseur national, Immatériel. En tant qu’éditeur national en région, et non régionaliste, l’essentiel de nos ventes se fait à l’échelle nationale, avec environ 10 % de nos ventes réalisées à l’international. Nous avons réussi à faire connaître nos livres bien au-delà de l’Occitanie, en assurant une distribution efficace et en participant à divers salons et événements littéraires.
Quel est votre réseau ? Comment faites-vous connaître vos livres ?
Nous travaillons en étroite collaboration avec notre distributeur/diffuseur Immatériel pour assurer une large diffusion de nos livres, tant en version imprimée qu’en numérique. Une grosse partie du travail consiste avant tout à promouvoir les textes auprès des libraires et revendeurs. Nous sommes également membres de plusieurs associations professionnelles telles que “Éditeurs en région Occitanie” (ERO), la Fédération de l’édition indépendante (FEDEI) et l’association l’Autre livre. Ces partenariats nous permettent de renforcer notre visibilité et de créer des synergies avec d’autres éditeurs indépendants. Pour faire connaître nos livres, nous participons à des salons littéraires, organisons des événements de lancement, et utilisons les réseaux sociaux, notamment Instagram, ainsi que notre site internet pour promouvoir nos publications.
Avez-vous pensé à développer le secteur jeunesse ?
Nous avons publié quelques titres en jeunesse dans notre collection de fiction populaire, mais nous avons décidé de ne plus nous concentrer sur ce secteur. Actuellement, nous nous focalisons sur nos quatre collections principales : “littérature contemporaine”, “noire & suspense”, “fiction populaire” et “Loreleï” (romances). Ce choix stratégique nous permet de mieux servir nos auteurs et lecteurs dans ces genres spécifiques.
Quelle est votre réflexion sur le monde de l’édition actuel ?
Le monde de l’édition est en constante évolution, avec des défis liés à la numérisation et à la diversité des modes de consommation. Il est crucial de soutenir la diversité littéraire et de promouvoir des modèles économiques équitables pour les auteurs. Nous croyons en la nécessité d’un équilibre entre tradition et innovation pour répondre aux attentes des lecteurs tout en respectant le travail des auteurs. Depuis quelques semaines, je préside l’association des éditeurs de la région Occitanie qui représente la Fédération des éditions indépendantes (FEDEI) au niveau régional et, avec le bureau et conseil d’administration de l’association, nous cherchons à susciter des synergies, voire des mutualisations entre les maisons d’édition indépendante.
Quel serait votre idéal (dans le secteur de la littérature) ?
Notre idéal serait un monde littéraire où chaque auteur serait justement valorisé et où chaque lecteur trouverait des œuvres qui le touchent et l’enrichissent. Nous aspirons à une plus grande diversité et accessibilité dans la littérature, avec un soutien renforcé aux auteurs et une collaboration accrue entre les acteurs du secteur.
Si vous deviez donner une couleur à votre maison d’édition, quelle serait-elle et pourquoi ?
Notre maison d’édition serait de couleur verte, symbolisant l’espoir, la croissance et le renouveau. Le vert représente notre engagement envers l’innovation et le soutien aux nouveaux talents, tout en respectant les valeurs de la tradition littéraire.
Autre chose à dire ?
Nous sommes fiers de notre adhésion à des associations telles que les éditeurs en région Occitanie, la Fédération de l’édition indépendante, et l’association l’Autre livre. Ces collaborations renforcent notre engagement envers une édition indépendante et diversifiée, au service des auteurs et des lecteurs.
Pourquoi est-ce important ?
Nous pensons que l’union fait la force face à des groupes mondiaux et internationaux dont les motivations s’éloignent de la création littéraire. La culture est un élément central de la cohésion sociale. Nous devons la protéger et considérer que le livre n’est pas un produit comme un autre. Les pouvoirs publics doivent s’engager pour garantir la présence des éditeurs indépendants dans les rayons des librairies. Mieux encadrer les politiques de sur-tirage des livres que promeuvent certains diffuseurs, et responsabiliser également les revendeurs sur les politiques de retours. Nous éditeurs, prenons des risques ; ceux-ci doivent être partagés par l’ensemble de la chaîne du livre. Les contraintes ne peuvent pas toutes peser toujours sur les mêmes, sinon à terme le paysage de littérature francophone se limitera à un oligopole composé de trois grands groupes. Nous pensons que cette perspective n’est pas souhaitable.
À la lisière des vagues, de Béatrice Hammer
Les éditions Avallon sont des voisins proches. Pourtant, si j’avais déjà rencontré M Fouque lors d’un salon du livre, je n’avais pas encore lu de romans de la maison. Pour compléter cet article, il était indispensable que je goûte un peu la cuisine des chefs ! C’est chose faite. Mes goûts sont pluriels. Cependant, j’ai un petit penchant pour la littérature contemporaine, intime, où les failles humaines sont mises en lumière. J’ai pu découvrir l’auteure Béatrice Hammer et je vous propose une petite chronique :
Mon avis :
Mona et Franck font partie de ces couples accomplis que l’on envie, parents de deux garçons en train de quitter le nid petit à petit. Et pourtant, un matin, Mona trouve une lettre dans la cuisine. Franck la quitte. Sans qu’elle s’en soit doutée une seule seconde. C’est comme si soudain cette femme perdait sa vie et devait en retrouver chaque fibre, chaque ossature. Sous le prisme de l’échec, elle part à la reconquête du sens. Et l’échec est partout. Le jour est-il l’échec de la nuit ? Le chien celui du loup ? Et tout ce que l’on réussit est-ce viable ou déterminé par la force d’un éternel effondrement ? Comme le flux des vagues, l’esprit de Mona avance et recule, ne sait plus rejoindre les points d’ancrage, les points de rupture. Ne serait-ce pas sa liberté retrouvée qui la laisse si lâche et chancelante dans ce monde friable ?
Le ressac d’une pensée.
L’auteure a su par son écriture nous promener dans le ressac d’une pensée à la dérive, comme ballottée par le ressac de la mer. Avec un sens de la formule travaillée, elle nous plonge dans ce mouvement chaotique d’une femme qui chemine, hésitante, alors qu’elle a été épouse et mère, amoureuse et fidèle, convaincue de faire les choix, les bons. D’avoir édifié la vie qu’elle voulait. C’est dans l’incertitude qu’elle retrouve une feuille et un crayon pour redonner forme à son histoire en miette, pour redevenir l’auteure de son destin.
Si j’étais bibliothérapeute, je donnerais volontiers ce livre à une personne qui doit faire un deuil et se reconstruire, sans l’autre. A la lisière des vagues, c’est cette frontière de l’être, cette écume de soi qui ne demande qu’à s’épanouir. A quel moment est-on soi, totalement, avec quelle marge de liberté ? Passé la cinquantaine, nombre de personnes, notamment de femmes, se posent la question. De plus en plus, cette période est synonyme d’un retour à la liberté. Quand on n’a plus en charge les enfants, quand on se défait peu à peu des injonctions, et parfois même d’un mari qui a en quelque sorte façonné la femme que l’on est. Roman de l’intime, de la pensée, A la lisière des vagues peut se lire et relire. Si je ne l’ai lu qu’une fois, je pense que d’autres lectures m’amèneraient à d’autres pensées, d’autres éclairages.
Qui est l’auteure ?
Béatrice Hammer est romancière, scénariste et réalisatrice. Elle a publié une quinzaine d’ouvrages, qui lui ont valu régulièrement des prix de lecteurs. Les éditions d’Avallon ont republié l’intégralité de ses romans : Kivousavé (prix Goya, bientôt disponible en livre audio), Cannibale Blues (Attention talent des libraires de la Fnac), Lou et Lilas, Green.com, Les violons de Léna, Ce que je sais d’elle, Soleil glacé, Une Baignoire de sang (polar) et La petite chèvre qui rêvait de prix littéraires (inédit, également disponible en livre audio) ainsi qu’un recueil de nouvelles, Amours plurielles. Les éditions d’Avallon viennent également de republier sa pièce de théâtre Aristides, qui évoque la figure d’Aristides de Sousa Mendes, Juste parmi les nations.
Pour finir
Je vous encourage à découvrir les auteurs de la maison d’édition Avallon, originale par son indépendance et son engagement. C’est absolument ce dont nous avons besoin dans notre société de plus en plus façonnée par de grands groupes aux idéaux mercantiles. Nous progressons en écoutant la multitude de voix artistiques ; les singularités qui tissent notre futur et son possible.