La question peut se poser : écrire, est-ce une activité comme une autre ? Au moment où chacun en septembre s’engage dans de nouveaux projets, cherche sa nouvelle passion entre les clubs sportifs et les ateliers artistiques, on pourrait imaginer une foule d’apprentis écrivains qui se bousculent aux portes des ateliers d’écriture. Alors, qu’est-ce que cette expérience peut nous apporter ?
C’est parti, mes passagers, pour en connaître un peu plus sur le sujet.
Premièrement, la lecture
Pour commencer, lecture et écriture sont étroitement liées. Que cherche-t-on dans la lecture ? Du plaisir, du repos, certainement, mais cette activité apporte bien plus de modifications qu’on ne le pense. Effectivement, la lecture est un bouleversement dont on n’a pas toujours conscience. Nous lisons seulement depuis un millier d’années. Ainsi, nous avons dû adapter notre cerveau, nous appuyer sur son mécanisme initial. Et les scientifiques ont constaté que si la lecture a trouvé son espace cérébral, elle a aussi modifié tout un réseau neuronal. Le lecteur développe un fonctionnement intellectuel, mais également sensoriel. Son outil premier, le cerveau, réactive les sens, les décodages visuels et phoniques, les souvenirs, l’empathie, la pensée, la conscience, l’apprentissage.
La lecture augmente nos capacités visuelles de reconnaissance, le codage du langage parlé (nous entendons mieux les phonèmes), permet de lutter contre le vieillissement du cerveau et les troubles de la mémoire.
Le plus intéressant à savoir est que la lecture active des zones relatives à un vécu réel. Le cerveau ne fait guère de différence entre la réalité et la fiction. Cette activité nous autorise ainsi à vivre des expériences variées, à apprendre plus de choses et à mieux comprendre les gens. Autrement dit, elle exerce notre capacité à exister.
Ainsi, l’auteur qui est souvent un lecteur a conscience de tous ces apports, et avec son travail il a une incidence sur la vie des autres. Quand on se met à écrire, on se modifie soi-même, et l’on cherche à atteindre nos semblables.
Certains mots nous touchent plus que d’autres, notamment ceux concernant les sensations (les textures, les parfums…). Les mots cannelle, velours, ou lavande auront plus d’impacts que des termes plus neutres, comme odeur agréable, douce, porte.
L’écrivain devient un vecteur d’émotions qui fouille dans les détails. Il partage son expérience avec le lecteur créant une cohésion sociale.
Écrire, ce que ça m’apporte.
Pourquoi me suis-je mise à écrire dans l’enfance ? Il me semble que dans le vacarme du monde, ce chaos grandiose, cette multitude étouffante, j’avais ce besoin de bulle, de pause, d’un espace aussi réduit qu’une feuille soit-il. Pour un être autant éparpillé que moi, c’était nécessaire. Écrire, c’est se poser, sélectionner des morceaux, canaliser sa pensée, la déplier, la décortiquer. C’est asseoir le monde ou quelques-uns de ses éclats, pour mieux l’observer et le comprendre. Et surtout prendre le temps, le suspendre, le rallonger, le décliner.
Puis c’est une manière de vivre plus, d’expérimenter, d’aller plus loin, plus fort. Comme nous l’avons vu pour la lecture, notre cerveau n’établit pas si bien que ça la distinction entre la réalité et la fiction. Écrire c’est donc partir à l’aventure, devenir différent, ou être soi, à nu, en héros.
J’aimerais que chacun puisse éprouver ce réconfort, cette puissance, cette transe épique.
Pour cela, mon cher passager, tu dois t’asseoir, t’y coller, l’approfondir.
Je t’invite à relire l’article Que porte l’acte d’écrire.
Écrire, les vertus reconnues
- Vivre l’instant présent : en effet, écrire est une façon d’accéder à ce concept qui ne nous paraît pas toujours facile. Se poser avec une feuille et un stylo permet de méditer. Écrire suppose qu’on a vécu, ressenti, éprouvé, expérimenté. Mais l’activité nécessite toute notre attention. Nous devons nous asseoir et observer, ou raviver ce que nous avons noté. Nous allons prendre conscience d’une expérience, la nommer, lui accorder des mots précis, des sensations, des émotions, afin de la saisir entièrement, et de manière plus intelligible. En nous focalisant sur un détail, un ressenti, avec du recul, de l’analyse. Nous obtenons alors des effets physiques et psychologiques.
- Bienfaits psychologiques : écrire permet de se retrouver, de se comprendre, et de côtoyer l’étranger qui siège en nous. L’acte d’écrire s’apparente parfois à une psychanalyse. Nous nous cherchons parmi nos héros, nous saisissons peu à peu les thèmes qui nous sont chers, et surtout le langage nous offre la clé de la conscience. L’écriture expressive est une manière de soigner les personnes. Elle possède un effet cathartique. Le journal intime est l’outil phare pour parvenir à s’exprimer totalement. Cependant, la poésie s’avère également très efficace, et dans chaque roman nous mettons une partie de nous en jeu.
- Bienfaits physiques. L’écriture fait partie de l’art thérapie. « En agissant sur : la circulation sanguine, la tension, le rythme cardiaque ou la respiration, l’écriture facilite la gestion de la douleur et permet un meilleur rétablissement. » exprime Sylvie Gendreau sur France Culture. Il est reconnu que les effets de la lecture et de l’écriture sont proches de ceux de la méditation. Avec la rédaction, on est entre le « ici et maintenant » et le « partir ailleurs ». Au choix, nous pouvons mieux gérer notre mental et donc notre corps.
- Sans aucuns frais, puisque cette activité ne requiert que très peu de matériel, d’argent. Le temps sera le plus grand investissement. On trouve même, pour se motiver, des ateliers gratuits, en ligne (bienvenue sur Les passagers en écriture), en présentiel, mais l’on peut aussi décider d’écrire seul dans son coin, ce qui m’apparaît également comme une très bonne idée.
- Transgresser les règles. Cela est jouissif. Ce que la vie ne permet pas, l’écriture nous y invite. Mon cher passager, tu seras qui tu veux, tu le feras comme tu veux, tu pourras régler tes comptes, devenir le vilain ou le super gentil, l’homme préhistorique ou une femme du futur, l’araignée peureuse ou l’arbre immobile. Existe-t-il un autre art avec autant de possibilités ?
- Travailler son élan vital. La nouveauté dope notre cerveau, elle lui permet de libérer de la dopamine, substance chimique du bien-être. Se mettre à écrire est un processus de recherche, qui met en mouvement notre curiosité et donc notre pensée positive. C’est un élan vital. Souvent, l’auteur fait des recherches, apprend, questionne, saisit l’essentiel, le détail, jouit d’une infinité d’infimes variations.
- Prendre du plaisir. C’est imparable lorsque l’on invente, que l’on met au monde. Créer procure du plaisir. Écrire est aussi un jeu. On y associe le travail, mais il ne faut pas oublier la dimension ludique. On peut se lancer dans l’écriture pour le seul plaisir de créer, pour soi, pas toujours pour devenir professionnel, tout comme celui qui joue tennis ou apprend la poterie. Manier les mots s’apparente à manier les couleurs ou la raquette de tennis. On peut jouer à écrire.
- Développer son esprit créateur. L’homme a besoin de se mettre en œuvre, de créer. On utilise souvent la métaphore du textile pour l’écriture. On tisse une intrigue, on brode, on recoud, en entrelace des verbes, on pense au nœud ou au fil de l’histoire, à la trame narrative. Nous devenons Pénélope qui attend Ulysse. Écrire libère notre pouvoir créateur avec peu. Notre apprentissage de l’écriture enrichira nos expériences.
- Saisir des instants : quand on écrit, on saisit des périodes de notre vie, des instants particuliers, des expériences. Ainsi, cet acte banal les sauve de l’oubli. Cela permet à l’auteur de revenir sur son passé, avec un recul souvent nécessaire, et parfois les témoignages restent dans la culture pour un plus large public, ce qui permet de mieux comprendre l’histoire de notre société.
Les 4 motivations selon George Orwell
Et si nous prenions connaissances des 4 motivations qui poussent un individu à écrire ? Voici ce que suggérait le célèbre auteur George Orwell :
- — Désir d’attirer l’attention : l’écrivain, cet être singulier, s’installe au milieu du tourbillon pour raconter une autre vérité. Il pioche dans le réel, exhibe les atrocités ou les vertus, fouille les émotions et les suspend à sa fenêtre, gonflées par le vent. Bien sûr qu’on regarde l’auteur, qu’on plonge dans son monde.
- — Le plaisir de profiter de différentes beautés : l’agencement des mots est esthétique, ou peut le devenir. La poésie se niche dans les phrases, se construit avec les mots les plus banals, réjouit le cerveau et nos sens. L’auteur met à jour les paysages, les sentiments, ce qui nous touche, et nous pouvons l’en remercier.
- — La valeur du partage des expériences : en nous racontant ou en narrant des parties de l’existence, de toute époque, de toute personne, nous enrichissons chaque lecteur. Je suis Jim qui part chercher le trésor, Mick et son cœur chasseur solitaire, Robinson seul sur son île…
- — La recherche de la vérité et les aspirations à changer le monde : l’auteur a une influence émotionnelle, mais aussi intellectuelle. Il est vecteur de changement. Les écrivains ont participé à la construction des valeurs, aux révolutions, au développement des humains.
Conclusion
Alors, écrire, une activité comme une autre ? Oui et non. Elle a ses particularités, ses exigences, ses conséquences, et c’est à chacun d’essayer de trouver sa voix et sa voie. Nous pouvons tous nous mettre à écrire pour les bienfaits précédemment cités. Pour conclure, l’écriture fait partie de la vie des humains depuis un millier d’années, et certains créateurs ont su aller au-delà de son aspect pratique. La fiction autant que la documentation inscrit l’homme dans son histoire. En feras-tu partie, cher passager ?
Pour aller plus loin :
- La vidéo de la conférence sur la lecture de Stanisal Dehaene à l’Ecole Normale Supérieure ici
- Mémoire, structure du cerveau, empathie : les bienfaits de la lecture, article de Jimmy Mohamed (avril 2021) ici.
- Ce que les neurosciences nous révèlent sur la lecture et le pouvoir des mots, Adozen (2017) : ici.
- Quels sont les apports de l’écriture, Dialogue du 21 (2022) ici.
- L’apport des ateliers d’écriture, L’esprit livre (2022) ici.
- Le bonheur d’écrire, découvrez le pouvoir positif de l’écriture créative, Elise Valmorbida. Ed. Pyramid, 2022 (dont j’ai déjà parlé dans un de mes articles).
Merci Florence pour ce savoureux article 🤗
De rien, avec plaisir !
Merci pour cet article, j’essaye depuis plusieurs semaines de m’astreindre à rédiger un peu chaque jour par écrit (papier). C’est encore difficile mais j’ai confiance que petit à petit, cela deviendra une habitude.
Ca peut devenir une habitude obsédante !
Bonjour, je suis bien d’accord avec vous: écrire est bon pour la santé ! Et entre nous, je suis vraiment heureuse de constater que mes filles très très connectées aux écrans ont chacune des petits carnets cachés avec de beaux stylos. Le journal intime a encore de beaux jours devant lui ! Merci pour votre article 😊
Les journaux intimes sont de véritables amis qui aident à grandir, à comprendre, à se sentir mieux. Vive le journal intime !
Super article, en tant qu’auteure ça me parle forcément ! Et je ne comprends toujours pas les auteurs qui ne lisent pas ! 😳
Est-ce possible d’écrire sans lire ?
Ah oui l’écriture, il y a souvent des raisons très personnelles et uniques de s’y mettre. J’ai commencé à écrire poussé par l’envie de partager mon imaginaire aux autres. Et aujourd’hui, plus j’en apprend sur l’écriture et plus je m’y attache.
Difficile de s’arrêter, quand on a commencé !
Je ne sais pas si c’est une activité comme une autre, mais c’est une activité qui me manque si je passe trop longtemps sans écrire ! Quelle libération de mettre les mots par écrit ! 🙂
C’est cela, ça libère quelque chose !