Je vous propose quelques ateliers d’écriture inspirés des prix littéraires 2023. Les œuvres des autres, ou les œuvres tout court, s’avèrent des déclencheurs de votre créativité. Après tout, ces romans ont rencontré l’adhésion d’un public, ont provoqué un intérêt, des émotions, alors pourquoi pas jouer avec ? C’est parti !
Le prix vendredi 2023
C’est un prix né en 2016 pour les plus de 13 ans, en hommage au roman Vendredi ou la vie sauvage de Michel Tournier. Cette année, c’est le roman Au nom de Chris de Claudine Desmarteau, éditions Gallimard, qui s’est démarqué.
Le personnage principal est un collégien angoissé, harcelé, qui vit seul avec sa mère très, trop présente. Une nuit d’insomnie, il sort de la maison pour se promener jusqu’à la forêt où il squatte une cabane. Et il rencontre l’énigmatique Chris. C’est un roman sur l’emprise, la fragilité des adolescents qui à tout moment peuvent se laisser prendre dans les filets de personnages hors-norme, passionnants, rebelles, mais toxiques.
Les premiers mots de Chris sont :
Approche
T’as peur ?
T’as raison
Faut pas se fier à des inconnus
Faut rester sur ses gardes
Se fier à personne
À personne qu’à toi-même
Pas faire confiance au premier venu
On sait jamais à qui on a affaire
La confiance ça se mérite
Comment tu t’appelles ?
Moi c’est Chris
La consigne :
Si vous rencontriez votre énigmatique vous-même, que vous dirait-il ? Inspirez-vous de cet extrait, en reprenant la structure, le point de vue, mais inventez tout le reste. C’est à vous !
Pourquoi est-ce intéressant ? Parce que vous pouvez aller explorer votre côté maléfique, merveilleux, rebelle, noir, lumineux, peu importe. Le Tu réveille quelque chose, une part de soi-même qu’on regarde soudain d’un autre côté.
Le tu au niveau stylistique est aussi stimulant, il amène à écrire différemment, plus intimement. On est dans la dualité, le dialogue, l’échange. La figure à qui l’on s’adresse est censée nous regarder, nous écouter, et provoquer chez nous un discours où l’empathie joue son rôle à fond.
Mon avis sur le livre
L’ouvrage est annoncé comme un thriller psychologique prenant. Pour des adolescents, peut-être. Mais il me semble que la tension reste légère. On se pose des questions tout au long du livre sur Chris, sur ce qu’il est, ce qu’il va se passer. Le personnage principal cumule les problèmes, ce qui devient cohérent avec l’emprise qui marche si bien avec les plus fragiles. Le mécanisme est assez bien expliqué et je pense que c’est un roman intéressant à exploiter en classe, qui peut déclencher la parole et permettre aux plus influençables de comprendre l’emprise. Un bon moment, une livre qui se lit vite et bien.
Le prix Renaudot 2023
Ce prix a été créé en 1926 par des journalistes. C’était une manière de s’opposer au Goncourt, ou du moins de permettre à d’autres auteurs d’obtenir un autre prix littéraire.
Cette année, c’est Ann Scott qui a décroché le prix avec Les insolents, éditions Calmann Levy.
Alex, compositrice de musique, décide de quitter Paris pour s’installer près de l’Océan, loin de tout. Bien sûr, elle quitte également des amis, des habitudes, le mouvement de la ville pour l’immobilisme de la campagne. L’idée est de se retrouver seule, de se confronter à cette partie de soi qu’on écoute peu, qui fait peur. Ce roman sur la solitude est narré par plusieurs voix, ce qui amène des éclairages intéressants sur chaque personnage.
Extrait :
La plupart des gens sont seuls, ou se sentent seuls, ou ont peur de l’être. Peut-être est-ce pour ça que certains se comportent de manière vraiment merdique. Mais je ne me demande plus jamais pourquoi les gens font ce qu’ils font. Quand on relie entre elles les choses qu’ils choisissent de nous montrer d’eux-mêmes, on trouve facilement l’origine du problème, mais l’impuissance face à ça est toujours un crève-cœur.
Consigne :
Retour à soi. S’il n’y avait plus aucune contrainte relationnelle, si vous vous retrouviez seul.e, dans quel endroit iriez-vous et qu’elle serait la journée type dans laquelle vous aimeriez baigner ?
Pourquoi c’est intéressant ? Parce que la solitude demeure un thème porteur que chacun peut aborder avec l’expérience qu’il en a. Parce que ça permet d’aller chercher au fond de soi la personne que vous souhaiteriez être. Cela me fait penser à une phrase de Lewis Carroll : Soyez ce que vous voudriez avoir l’air d’être.
Et finalement, quand est-on soi-même ? Peut-on l’être avec les autres ? Peut-on rejoindre le fantasme de soi ? Ce questionnement traverse beaucoup de romans. Il traverse même le précédent, Au nom de Chris. Être soi est une des choses les plus difficiles au monde. Et ne pas l’être également. L’explorer dans l’écriture peut nous y aider.
Mon avis sur le livre :
Je n’ai pas été enthousiasmée. L’écriture m’a paru simple, troublée de temps en temps par des lieux communs. Mais on lit facilement ce livre, la narration est efficace. L’intrigue n’en est pas vraiment une, elle dresse surtout le portrait de plusieurs personnages. Chacun se trimballe avec des problématiques de vies, des peines de cœur. Le tout m’a fait l’effet d’un éparpillement et les protagonistes manquaient parfois de subtilité. Je pense que cela est dû au fait qu’ils sont décrits par une autre figure, en bloc, comme un constat. Je préfère en général quand on découvre les héros au travers de leurs actions, quand c’est le lecteur qui déduit par la narration ce qu’est le personnage. Sinon, on reste dans l’abstrait et le tout manque de chair, d’implication. Ceci dit, c’est propre, les réflexions peuvent être intéressantes, et les protagonistes peuvent être inspirants.
Conclusion
Voici à tester deux ateliers d’écriture sur deux prix littéraires 2023. Je m’attaque bientôt au Goncourt et au prix Fémina. Je proposerai donc deux nouveaux ateliers dans mon prochain article. En attendant, écrivez !