Les passagers des mots Conseil d'écriture,Ecrire un roman Qu’est-ce qu’un héros efficace ?

Qu’est-ce qu’un héros efficace ?

L’archétype

L’archétype se définit par des caractéristiques reconnaissables. Un héros courageux, un traître lâche, un méchant dépourvu d’empathie, etc. Ce peut être une identification physique, comme le grand sage d’un certain âge, la princesse jeune et belle, l’ogre moche, l’orphelin malingre… Nous avons tous rencontré ce type de personnages, surtout dans les contes qui sont au fondement de la littérature. Nous connaissons ces personnages, nous y sommes même attachés et ils portent des valeurs et des émotions.

De ce fait, quand on les utilise en littérature, le lecteur les reconnaît, éprouve des sentiments et sensations en leur présence. Le grand sage rassure, l’ogre effraie… Ce sont des valeurs sûres bien que nous puissions jouer sur un décalage pour interpeller le lecteur. Selon notre genre littéraire, nous pouvons donc nous servir de ces archétypes pour accrocher notre public, créer un pont grâce à notre culture commune, voire universelle.

Attention toutefois de varier, de donner une singularité et un intérêt nouveau afin de ne pas ennuyer des lecteurs. Surtout avec le personnage principal qui doit se démarquer plus que les autres figures, parfois présentes pour le décor ou la progression narrative. Cependant, certains personnages ont une place quasi équivalente à celle du héros et doivent être tout autant soignés pour une relation harmonieuse. Notamment en littérature jeunesse où les héros et héroïnes fonctionnent bien souvent avec des amis. Dans les romances, ce sera avec des amoureux-ses.

Pour résumer : l’archétype est efficace, mais l’auteur doit trouver quelques petits éléments uniques qui caractériseront ses protagonistes.

Le mâle blanc

Il existe en littérature un héros dominant ! Un personnage type et largement répandu. Le mâle blanc occidental. C’est surtout vrai en littérature jeunesse. Or, c’est bien dans l’enfance qu’on s’éduque à la littérature et à l’écriture. Prenez un protagoniste masculin, tel Harry Potter : tous les enfants, voire tous les adultes, s’identifient facilement à ce personnage, adhèrent à cette peau fictive. Peu importe l’identité sexuelle, on trouve autant de lecteurs que de lectrices fans de la saga fantastique.

Prenons maintenant La passe-miroir, de Christelle Dabos. L’héroïne est une jeune femme, et rencontrera moins l’adhésion du public masculin. En tant que professeure documentaliste, je peux proposer Harry Potter à tous les publics, mais en ce qui concerne La Passe-miroir, je sais que le fait que l’héroïne soit une femme est un frein pour les lecteurs. J’ai plus de mal à le suggérer. D’autant plus que l’héroïne n’est plus une adolescente et l’histoire s’avère plutôt complexe. L’identification est un facteur déterminant dans le réflexe de lecture.

Cependant, des modèles un peu badass comme Katnis dans Hunger Games de Suzanne Collins ou Tris dans Divergente, de Véronica Roth, ou encore, mais avec moins d’assurance, Ellana dans Le Pacte des Marchombres, de Pierre Bottero, ont trouvé un lectorat plus large, composé de filles et de garçons. Elles portent des valeurs ou des caractéristiques dites « masculined », comme la capacité à se battre et à se mettre en danger.

En littérature adulte, les choses changent. Si l’on reste dans le domaine classique, on rencontrera beaucoup de héros occidentaux, mais de nos jours, les femmes creusent leur place, et la diversité culturelle est à portée de tous.

→Pour la diversité culturelle, à lire :

  • Les impatientes, de Djaïli Amadou Amal (Goncourt de lycéens 2020)
  • Les cerfs-volants de Kaboul, de Khaled Hosseini,
  • La plus secrète des mémoires des hommes, de Mohamed Mbougar Sarr (prix Goncourt 2021)
  • Petit Pays, de Gaël Faye (prix Goncourt des lycéens 2016)…

Et la femme racisée ?

Beaucoup d’hommes, encore, me direz-vous, auteurs occidentaux ou orientaux. En occident, les femmes ont pris une grande place et mettent en scène moult héroïnes. Cependant, les femmes africaines sont également à découvrir : voir la sélection de Babélio

Et également la sélection des autrices asiatiques.

Et qui serait mieux placée qu’une autrice asiatique ou africaine pour narrer le récit d’héroïnes asiatiques ou africaines ? Mieux vaut être un auteur ou une autrice sensible et averti(e) pour traiter de sujets sociaux, culturels, politiques ou autres. La femme racisée est une héroïne intéressante qui bouscule le point de vue dominant de l’Occidental. Ces romans ont en général beaucoup de succès. Chaque femme peut s’identifier à l’histoire d’une femme d’une autre culture.

Les Impatientes a eu le prix des lycéens. Jamais sans ma fille a été un best-seller, Le Palanquin des larmes également. Mais nous restons ici centrés sur des autobiographies. Et d’ailleurs, la majorité des livres des sélections de Babelio ont un fond social, ou politique. A-t-on des héroïnes qui seraient racisée, mais qui ne portent pas toute la complexité de leur culture ? Une héroïne noire, par exemple, et dont la couleur ne serait qu’une caractéristique comme une autre ?

Ce sera beaucoup plus difficile d’en dénicher, mais pas impossible. Au détour de la littérature fantastique, j’ai pu trouver quelques personnages de couleur (mais j’ai déjà écrit un article à ce sujet).

La femme sorcière

La femme devient un sujet d’écriture, la femme pour ce qu’elle est, longtemps sous l’emprise des hommes. Nous sommes marquées par notre histoire, notre puissance vaincue et retrouvée. #metoo est passé par là, la femme sorcière revient sur le devant de la scène. J’ai dernièrement lu des romans où cette femme redoutable prend sa revanche.

Mille Pertuis de Julia Thévenot où l’on rencontre d’ailleurs des héroïnes noires et dont la race ou les problèmes liés à la race ne font pas le sujet.

Du thé pour les fantômes, de Chris Vuklisevik, qui traite également de généalogie, de violences familiale ou masculine, de notre physique, des mots qui nous déterminent. Je pense que la femme sorcière est une héroïne qui fonctionne de nos jours, que l’on peut entendre. La femme sorcière n’est pas forcément un personnage de littérature de l’imaginaire (par exemple le roman La maison aux sortilèges, d’Émilia Hart) et peut trouver sa place dans une littérature blanche.

Il est fort probable que chaque femme dans son histoire ou dans l’histoire familiale a subi un type de violence, et souvent sexuel. Aussi, la littérature permet de retrouver une puissance légitime, de se réapproprier du pouvoir.

Les héros atypiques

J’ai écrit un article à ce sujet (voir ici). La question aujourd’hui serait plutôt : est-ce que le héros atypique est efficace ? J’ai l’impression que nous sommes influencés par des modes. L’autisme a fait ses preuves. Lisez Millénium, de Stieg Larsson, Le Bizarre incident du chien pendant la nuit, de Mark Haddon, par exemple.

Actuellement émerge une littérature sur la complexité des genres. Mais là encore, ce sont des romans de société. Existe-t-il des héros au genre « transgressif » dont la caractéristique serait fondue dans leur identité et leur psychologie, mais pas dans une œuvre sociale ? Je viens de lire Kafka sur le rivage, de Haruki Murakami, et l’on y trouve un personnage transgenre, mais qui n’est pas le héros. J’ai également trouvé beaucoup de figures au genre et à la sexualité flous dans la littérature jeune adulte (Mystic flown, de Dana B Chalys, par exemple). La littérature fantastique me paraît prendre plus de « risque » en général.

En tant qu’autrice, j’ai eu l’envie de mettre en scène des protagonistes transgenres. J’ai pour l’instant du mal à le faire. Premièrement parce qu’il faut savoir cerner ses personnages et parce que je ne me sens pas légitime pour décrire ce que je ne connais pas. Il faudrait avoir recours à un sensitivity readeur, un lecteur sensible.

Cependant, en général, les héros atypiques fonctionnent bien, à partir du moment où le lecteur arrive à s’identifier (retour à l’archétype). Ce qui peut être plus difficile avec des héros antipathiques. Pensez à Humbert, dans Lolita de Nabokov. Ou même à Solal, dans Belle du seigneur (Albert Cohen) qui de nos jours choque plus qu’à l’époque de sa parution. J’ai moi-même eu du mal à plaire à un type de lectorat avec mes héroïnes qui ne font jamais l’unanimité (Miss Rabat-joie, qui pourtant porte des valeurs positives, ou Manon dans Quand tout menace ou Grégo de l’île).

Le héros efficace, personnage réussi

J’ai déjà écrit des articles sur la construction de son protagoniste. Que ce soit dans une romance, un roman policier, de société ou jeunesse, le héros a des caractéristiques et sort légèrement (ou beaucoup) de la moyenne. Ses contraintes seront toujours un tremplin pour la narration. On doit pouvoir s’y identifier à un moment ou un autre. Selon les genres littéraires, il sera stéréotypé, avec un soupçon de décalage. On retient que l’homme blanc aura plus de lecteurs et lectrices que la femme en général. Mais bien sûr, dans une romance dont le public cible est féminin, une héroïne sera plus efficace. Une femme avec du caractère, mais sensible aux codes du charme masculin. Les héros doivent porter des valeurs modernes (émancipation…) ou universelles (courage…)

Le protagoniste a un passé qui a créé des failles, ce qui est très efficace dans les romans policiers, mais c’est valable pour tous les romans. La littérature de l’imaginaire est la plus ouverte au changement.

Selon les modes ou les faits de société émergents, on peut concevoir un héros atypique auquel pourra s’identifier une partie de la population qui a pu jusque là se sentir exclue de la littérature. Mais attention de rester crédible. De plus, un héros peut être atypique, sans que cela fasse pour autant le sujet du roman.

Le héros efficace a une profondeur, des failles, des forces, et se met en mouvement. Il porte aussi des valeurs, de préférence soutenues par notre société.

Mais comme d’habitude, l’idée est de tout tenter en littérature et d’ouvrir la porte à de nouveaux territoires.

Conclusion

À la question : qu’est-ce qu’un héros efficace ? J’aurais envie de répondre un héros qui nous surprend. Mais ce ne sera pas tout à fait vrai. Une grande partie de la population est attachée à l’archétype, sans toutefois tomber dans le stéréotype. Selon le genre de littérature, le masculin remportera l’adhésion plus que le féminin. Il faut donc se poser une question : pour qui est-ce que j’écris ? Et cela est primordial, lorsque l’on songe aux protagonistes.

N'hésitez pas à partager si vous avez aimé un article.

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Related Post