L’écologie du livre

Cher passager, peut-être ton but est-il de te faire plaisir, d’écrire librement, de te découvrir, écrire le monde, te perfectionner dans la maitrise de la langue, créer, inventer, jouer avec les mots. Peut-être aussi souhaites-tu devenir auteur, rédiger un roman, deux, trois, plein, les publier, les vendre, voire faire fortune (c’est plus rare). Mais as-tu déjà réfléchi à l’écologie du livre ? En tant que lecteur, mais aussi du point de vue de l’auteur ou de l’éditeur ? Comment le livre va-t-il s’inscrire dans un monde que l’on essaye de rendre durable, dans une économie circulaire ?

Viens par ici, on va s’y pencher !

L'écologie du livre. Dans la chaine du livre, traquer ce qui pollue.
L’écologie du livre Image par Sasin Tipchai de Pixabay 

Écrire

La chaîne du livre commence avec l’auteur, celui qui crée une histoire, qu’il proposera ensuite à un éditeur. On pourrait penser qu’à ce stade, l’écrivain n’a pas de marge de manœuvre. À son niveau, il n’a pas d’impact, sauf par le matériel utilisé, papier et crayon, ordinateur, Internet… Puis par le choix de son éditeur, éventuellement, mais en général c’est plutôt l’éditeur qui le choisit. Et l’auteur accepte les conditions, tant économiques qu’écologiques. Il n’y a guère que J.K. Rowling (et sans doute d’autres écrivains du même acabit) pour exiger que ses livres soient imprimés sur du papier FSC, donc certifié durable (Forest Stewardship Council).

Pourtant, l’édition change, évolue vers plus de durabilité et un nouveau choix s’offre à l’écrivain s’il veut contribuer à une chaîne verte. Aujourd’hui, une des solutions est de s’autoéditer. Le créateur devient alors responsable de ce qu’il va engendrer (et je ne parle pas de qualité littéraire). Il participe par contre à la masse grandissante des auteurs qui publient chaque année, mais comment peut-il alléger son impact environnemental ?

Logo Triman, pour un livre recyclable.
Logo Triman, pour un livre recyclable

Auto-édition et écologie

« En 2019, 5 587 livres ont été déposés par des auteurs seuls, sans être chapeautés par une plateforme. Le dépôt légal de Books On Demand représente 1 473 livres. Celui de KDP (Amazon) est de 892.
La plateforme Librinova a quant à elle, déposé 81 livres.

À noter, ces chiffres ne tiennent pas compte du format e-book, seuls les livres papier sont comptabilisés.

Au global, l’auto-édition représente 15 451 titres déposés en 2019 (pour rappel, auto-édition = auteurs autoédités + auteurs “édités à compte d’auteur” auprès de prestataires). On peut s’interroger d’ailleurs sur cette méthode de comptage, car auto-édition/compte d’auteur n’ont rien de commun. 

Ces chiffres représentent près de 20 % des 79 581 livres imprimés déposés à la BnF (Bibliothèque Nationale de France) en 2019. »

Données extraites du site idbook. https://www.idboox.com/economie-du-livre/livres-et-autoedition-les-chiffres-clefs-du-depot-legal-2019/

Devant les chiffres vertigineux des publications, l’auteur autoédité peut choisir son modèle vertueux. Il peut sélectionner son imprimeur, ses libraires, son idéal économique. Il peut aussi décider de ne pas éditer, s’il estime que son livre n’est pas assez bon pour l’être.

L’avantage de l’auto-édition est que l’on reste sur une diffusion restreinte, notamment grâce à la publication à la demande, ce qui évite de couper les arbres en trop grand nombre et ensuite la destruction d’un stock d’invendus.

Cependant, cela est vrai également avec des petits éditeurs. Ceux avec qui je travaille ne pilonnent pas les livres au bout de six mois, par exemple. Ils les gardent autant de temps qu’ils le peuvent.

Parmi quatre des plus grandes plateformes d’auto-édition, Amazon est la moins écologique. Déjà, en tant que géant de l’édition, l’entreprise participe à la centralisation et à la surconsommation. Puis son imprimeur se trouve en Pologne, ce qui s’avère gênant du point de vue du transport.

Bookelis a une politique de publication locale, parce que la plateforme a fait le choix de travailler avec un imprimeur en France (Mayenne), mais elle ne met pas forcément l’accent sur l’écologie. Pour en savoir plus : https://www.bookelis.com/imprimer-un-livre

BOD (Book On Demand) utilise plusieurs imprimeurs, mais a une politique favorable à l’environnement comme on peut le lire sur cette page : https://blog.bod.fr/general/production-ecologique-livres/

Librinova avance l’argument écologique de l’impression à la demande et du choix du papier. De plus, ses imprimeurs sont en France.

On peut donc sélectionner une plateforme, ou un imprimeur pour son engagement en faveur de l’environnement. Cependant, le nombre d’auteurs grandit. C’est la masse qui perturbe l’écologie. On se fait plaisir, en publiant, ou s’autoéditant (et on espère également faire plaisir aux lecteurs). Mais qu’en pensent nos forêts ?

Par moment, en ce qui me concerne, je me pose la question de l’intérêt de publier et polluer. Si je veux être totalement écolo, j’arrête tout. Je n’utilise plus de serveurs, plus de papier, plus d’énergie. Ce choix n’est pas évident et je ne l’ai pas encore fait.

Femme, auteur qui travaille en autoédition
Photo by Andrew Neel on Pexels.com

« Une vitesse nouvelle a gagné les mondes du livre. Une vitesse qui est celle de la machine et qui fait perdre sa valeur au temps long de la création et de la lecture. Une vitesse qui donne le sentiment aux artisans du livre d’être de plus en plus enfermé. es dans des logiques de flux. »

Le livre est-il écologique ? Matières, artisans, fictions. association pour l’écologie du livre

La fabrication d’un livre

Une fois que l’auteur a trouvé le moyen d’être publié, son livre va prendre forme chez l’imprimeur. Avant cela, bien sûr, la filière du papier, donc du bois, est concernée. L’édition n’a pas échappé à la massification, à la grande accélération de production.

La plupart des livres en France sont fabriqués avec du papier blanc, traité chimiquement, quasiment jamais avec du papier recyclé. Le bois utilisé pour ce papier n’est pas forcément labélisé. Les encres employées ne sont pas naturelles (mais de plus en plus). Comment y remédier ?

Exemple de l’édition Zone Sensible, inscrite dans une écologie du livre :

http://www.zones-sensibles.org/manifesto/

Cette maison belge mise sur le local, évitant autant que possible les transporteurs. Elle ne travaille donc qu’avec des fournisseurs belges. Elle utilise au maximum du papier recyclé ou certifié « forêts durables », en provenance d’Europe du Nord, dans des entreprises qui limitent la chimie. La fabrication de papier nécessite beaucoup d’eau (70 % du processus), mais dans une entreprise suédoise, ils ont réussi à la traiter après utilisation pour la rendre potable. Tout se recycle.

Le livre, c’est 7 % de la consommation de papier en France (c’est beaucoup plus pour les emballages ou les publicités). Ce papier est issu de différentes fibres de bois, venues d’Europe de l’ouest, d’Asie ou d’Amazonie. L’éditeur ne connaît pas toujours, et même plutôt rarement, l’origine de son papier parce que c’est un processus complexe pour un rendu personnalisé attendu.

WWF France a initié deux études à ce sujet : Le livre de la jungle. L’édition jeunesse abime-t-elle les forêts ? (WWF, 2018) et Vers une économie plus circulaire dans le livre ? (WWF, 2019)

Pour le livre jeunesse, plus de la moitié des impressions sont faites en Asie, et pour plus de 90 % de titres l’origine du papier et des encres sont inconnues. Trois éditeurs (Piccolia, Pi.kids, Auzou) présentent des risques particulièrement importants. Seul Nathan a engagé une démarche de certification FSC.

Les autres pays d’Europe sont plus en avance pour la durabilité de leur édition. Nous possédons assez d’outils pour que la France s’y mette aussi.

La filière du bois dans la chaine du livre. L'écologie du livre.
Image par Joe de Pixabay
La filière bois dans la chaîne du livre

Le cheminement

Le cheminement (donc le transport) doit être pris en compte dans l’écologie du livre. Comme on a pu le voir, la filière du papier à elle seule nécessite un tour du monde pour créer la bonne pâte. On transporte le bois, puis le papier, puis le livre. Une fois celui-ci fini, il part chez les libraires, les particuliers, les écoles, les bibliothèques… mais ça ne s’arrête pas là. Nous devons considérer ensuite les invendus, notamment chez le libraire. Des stocks de livres non achetés sont renvoyés régulièrement à l’éditeur, entre 20 et 30 %.

Les libraires ont leur organisation. Ils peuvent tenter de regrouper les achats, en ne commandant par exemple que deux fois par semaine. Ils peuvent aussi commander moins, pour éviter les retours.

Stockage et pilon

Sur les livres, il n’y a aucune obligation d’inciter au recyclage, comme la certification Triman. Objet culturel par excellence, il semble impensable que le livre soit jeté, ou recyclé (du moins pour les éditeurs).

Et pourtant. Le nombre d’ouvrages publiés a triplé depuis les années 90. 70 % des ventes se font sur 15 % des titres. Et 15 % seront pilonnés (détruits), et beaucoup sans avoir étés lus. 1 livre sur 4 est invendu, chaque année. Le taux d’invendus est, tous titres et éditeurs confondus, de 25 % selon le SNE, syndicat national de l’édition (2018).

Les récupérateurs qui pilonnent les livres sont des entreprises contrôlées et assermentées. Les livres sont recyclés en papier ou emballages. Ce sont bien sûr les livres jetés à la benne ou la poubelle, ou stockés dans des lieux sans être lus qui posent problème. Ce gaspillage laisse tout de même songeur.

Certains éditeurs font attention pour ne pas avoir à détruire et gâcher, comme l’éditeur Rue de l’échiquier (spécialisé en écologie). C’est une gestion des flux au millimètre.

Les livres non pilonnés sont stockés chez les éditeurs (plus de 1 milliard selon l’Adème) et chez les particuliers (une moyenne de 107 livres par Français). On estime également qu’il y aurait 188 millions de livres en stock dans les bibliothèques, départementales, municipales et médiathèques. À cela, rajoutons les stocks emmagasinés dans les établissements scolaires (mais dont on ignore les chiffres).

Bibliothèques, médiathèques... on y stocke des livres, on  les désherbe...
Les stocks de livres Image par Michal Jarmoluk de Pixabay

L’e-book, une solution ?

Nous n’entendons pas toujours les mêmes sons de cloche en ce qui concerne cette question. Il est vrai que l’on peut éliminer la pollution issue de la fabrication des liseuses, étant donné que nous pouvons lire sur smartphone ou tablette, ce que la plupart des gens possèdent.

Je vous conseille de visionner une vidéo qui met en scène le livre du futur en cliquant ici (créée par Editis). Papier et e-book s’y côtoient en bon équilibre et la gestion des livres est plutôt attractive, l’écologie réfléchie.

Mais on comprend aussi que toutes les améliorations technologiques de nos appareils amènent de la pollution, puisqu’on les change pour mieux et plus performant. C’est là le principal problème des e-books.

En effet, chaque livre papier a son équivalent en e-book, le fichier prend donc déjà de la place sur des serveurs (grands consommateurs d’énergies, à comparer avec celles nécessaires pour le livre papier).

Pour une-book, nous n’avons pas besoin de couper des arbres, donc toute l’énergie déployée par la filière forestière est économisée. De même pour les transports. Il ne se crée pas de stock, d’invendus, de retour, de pilons. Malgré tout, des études disent qu’il faut avoir lu un certain nombre de livres sur sa liseuse pour qu’elle devienne vertueuse. Pour amortir l’impact écologique, quatre ans seraient nécessaires à un gros lecteur et soixante à un lecteur occasionnel. Bien sûr, ce n’est pas le même impact sur un outil existant comme le smartphone ou la tablette. Pour en lire plus, cliquez ici. Sur ce site, il n’y aurait pas de débat. La chaîne du livre serait déjà écologique et l’e-book intégré avec équilibre dans le système.

Pourtant, selon une étude (2009), l’industrie américaine de l’édition de livres consomme 32 millions d’arbres par an. Il n’est donc pas inutile de réfléchir au choix du livre numérique.




E-book ou livre, quel est le plus écologique ?
l’e-book ou le livre Image par Capucine de Pixabay 

Pour le lecteur

Lire un livre ne nécessite pas qu’il soit neuf ou de le posséder. J’encourage chacun à s’inscrire en médiathèque, ou plusieurs, et de fouiller dans les boîtes à livre. Nous pouvons également privilégier des libraires spécialisés dans l’occasion (Joseph Gibert) ou les bouquinistes. J’avais lancé à une époque, lors d’un premier blog, le mouvement des livres voyageurs (un livre à la mer). J’écrivais un message dans un livre que j’offrais, et la personne qui le recevait s’engageait pareillement à rédiger un mot pour le donner à son tour. J’étais curieuse de suivre la circulation des livres (mais ça a vite périclité).

Le marché du livre d’occasion est en progression. Ce peut être chez les bouquinistes ou libraires spécialisés, les marchés, les puces ou chez les enseignes comme Amazon (son commerce de départ) ou la Fnac. On peut compter aussi sur les associations caritatives telles Emmaüs ou les ressourceries. Mais les livres reçus dans ces lieux ne sont pas tous exploitables ou vendus et là encore il faut les jeter ou les recycler (17 millions de livres seraient jetés ou recyclés par an par Emmaüs).

Certaines associations pro écologie du livre sont bonnes à connaître pour récupérer les ouvrages :

Recyc’livre : offre un service gratuit de récupération de livres d’occasion, et les met en revente sur Internet. Villes concernées : Paris, Lyon, Lille, Nantes, Bordeaux, Madrid, Strasbourg, Toulouse et leurs environs.

Ammareal, le livre solidaire : librairie de livres d’occasion sur Internet, elle trie près de cent mille livres chaque mois, revend et donne chaque année des dizaines de milliers de livres à des associations et des écoles.

Bibliothèques Sans Frontières : ONG qui renforce le pouvoir d’agir des populations vulnérables en leur facilitant l’accès à l’éducation, à la culture et à l’information.

Biblionef : offrir des pôles de lectures sur tous les continents.

Adiflor : cette association promeut la langue française et offre une deuxième vie aux livres.

Le lecteur au bout de la chaîne du livre
Le lecteur au bout de la chaîne du livre Image par Sofía López Olalde de Pixabay

Un livre à lire pour des solutions écologiques

Mon article est issu d’un essai que j’ai lu récemment :

Le livre est-il écologique ? Matières, artisans, fictions. Association pour l’écologie du livre. Édition Wildproject, 2020

L’ouvrage est court et lance une interrogation importante, sans doute même essentielle en cette période où nous prenons tous conscience de notre impact sur l’environnement.

Je questionnais dernièrement l’essence du livre comme produit ou œuvre d’art. Ce n’est pas sans lien. Le livre, comme tous les autres objets, s’est inscrit dans la production de masse. Qui dit beaucoup de livres, dit beaucoup de papiers, de traitement, de transport, de pétrole… Et beaucoup de pilon, en fin de course.

Selon l’association, les publications ont triplé en 20 ans et le livre est devenu une marchandise, un phénomène accentué par l’arrivée de géants comme Amazon. Alors l’association se pose une question : qu’est-ce que cela voudrait dire de fabriquer, publier et diffuser les livres de façon écologique ? À quoi pourrait ressembler dans vingt ou trente ans le livre de l’après-pétrole ?

Quelques témoignages des acteurs du livre (libraire, éditeur, forestier) précèdent des fictions où le livre dans le monde d’après est géré de manière durable et écologique (une économie circulaire est toujours privilégiée).

La lecture était intéressante, mais m’a légèrement frustrée. Il n’a été question des e-books à aucun moment, par exemple. J’aurais souhaité plus d’approfondissement. La dernière page terminée, je ne voyais toujours pas ce que je pouvais mettre en œuvre, moi, en tant qu’auteure. À moins de ne plus écrire ? Mais la lecture provoque justement le questionnement et la recherche d’idées. Et c’est l’enjeu de cet ouvrage. L’impression à la demande est une étape, mais cela ne suffira pas. Les bibliothèques, les ressourceries, ou la collectivité feront partie des solutions. En tout cas, l’association recherche des forces vives. contact@ecologiedulivre.org

Si l’on souhaite participer à la future chaîne du livre, à son écologie, c’est déjà un premier pas. Ça t’intéresse ? Et si on réfléchissait tous à ce monde futur que l’on voudrait construire ?

Essai à lire : le livre est-il écologique ?
Le livre est-il écologique, par l’Association pour l’écologie du livre

Sources pour une écologie du livre

Le livre est-il écologique ? Matières, artisans, fictions. Association pour l’écologie du livre. Édition Wildproject, 2020

https://ecologiedulivre.org/ association l’écologie du livre. Page consultée le 04/08/2022

https://www.pca-cmb.com/blog/le-marche-du-livre-sur-les-pas-de-lecologie/ Par PCA CMB. 6 janvier 2021.

https://www.revuesilence.net/numeros/499-L-ecologie-du-livre/ Revue silence. 2022. Dossier à acheter sur le site.

https://www.normandielivre.fr/reflexions-autour-de-lecologie-du-livre/ Normandie livre & lecture, 2022.

http://www.zones-sensibles.org/manifesto/ Alexandre Laumonier. Page consultée le 04 août 2022.

https://www.wwf.fr/vous-informer/actualites/livres-de-la-jungle WWF. 12 mars 2018.

https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2019-12/20191125_Rapport_Vers-une-economie-plus-circulaire-dans-le-livre_WWF_min.pdf WWF, rapport 2019.

https://www.notre-planete.info/actualites/245-e-book-livre-papier-ecologie François Girard, 05/12/2017http://epublishersweekly.blogspot.com/2009/09/ebooks-save-millions-of-trees-10-ideas.html Michael Pastor, Zorba presse. 28 septembre 2009

N'hésitez pas à partager si vous avez aimé un article.

2 thoughts on “L’écologie du livre”

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Related Post