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Création d’un personnage en atelier d’écriture

C’est reparti, pour mes ateliers d’écriture ! Projet ambitieux en route : faire écrire de jeunes adolescents, et leur proposer de créer un roman. Et l’on commence par la création d’un personnage qui fonctionne (voir mon précédent article sur le sujet). Pourquoi ? Parce qu’on va animer une création, mettre en vie un héros qui portera une histoire. On va parler d’avatar, d’ami imaginaire, de double, de dépassement de soi. À lui seul, le personnage, c’est toute une histoire. Il s’inscrit dans un espace, mais aussi un passé, un présent et un futur. Fermez les yeux, et regardez-le ! Il prend vie…

Création d'un personnage efficace en atelier d'écriture.



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Piyapong Saydaung de 
Pixabay Les personnages !

Le personnage principal au présent

(Consigne : décrivez votre personnage alors qu’il entre en scène. Donnez deux ou trois caractéristiques le concernant. Je me lance pour cet article dans la création d’un personnage, sans filet. Attention, je le lâche devant vos yeux ébahis).

Création du personnage en atelier d’écriture

Le papillon vole d’un coup d’aile chancelant. Il titube, monte et redescend, pour se poser sur un des pétales du cerisier. D’un jaune soleil, il embrase le blanc de la fleur, pressé, les antennes frémissantes, les pattes engluées dans le cœur mou du bouton. Et doucement, les ailes dansent sur un rythme connu de lui seul.

Imagine la naissance de cet être…

Tout d’abord, le personnage principal d’une fiction, le héros, le protagoniste est un être vivant, ou du moins animé. Ce peut être :

  • un animal (plus souvent pour les enfants, par exemple Babe le cochon, Lassie…) ;
  • un robot (le roman Robot sauvage, de Peter Brown, Astro Boy de Osamu Tesuka, ou encore Wall-e, R2D2…) ;
  • un être imaginé (les ewoks, Bilbo le Hobbit, Edward de Twilight…) ;
  • ou un humain ordinaire (Julien Saurel, dans Le rouge et le noir, de Stendhal, Léopoldine dans Comme des images, de Clémentine Beauvais…) ;
  • mais plus généralement peu ordinaire (les personnages de Susin Nielsen dont j’ai déjà parlé), voire extraordinaire (le petit prince, Harry Potter…).

On l’introduit en début de récit, du moins dans le premier quart. Il sera « je », « tu », « il »… et nous permettra de le connaître d’une manière propre à son point de vue. Comment le dépeindre ? On peut en élaborer une description d’un bloc, ce qui se faisait plutôt dans la littérature classique, où l’on rédigeait un portrait complet, sa biographie. Mais c’est plus intéressant et plus moderne d’amener la description, les informations au fil des pages, au gré des dialogues. On laisse planer le mystère, on n’assomme pas le lecteur de renseignements, on le laisse également se faire une idée.

Pour certains auteurs (Dicker, King), il n’est pas utile de développer une description physique trop précise, si l’on veut donner la liberté au lecteur de le créer dans son imagination. Néanmoins, il vaut mieux apporter quelques éléments. Parfois, deux ou trois caractéristiques suffisent, pour offrir les grandes lignes. Et des caractéristiques marquantes (comme les lunettes de Harry Potter et surtout sa cicatrice sur le front). Les vêtements peuvent aussi nous aider à connaître l’âge, la classe sociale, le style de vie de notre protagoniste.

Dans mon exemple de papillon, on sait qu’il est jaune, qu’il volette en la période du printemps (grâce au cerisier), et qu’il se trouve apparemment en difficulté.

La difficulté, c’est ce qui va lancer le héros dans l’action. On décrit ses caractéristiques, ou plutôt on les fait comprendre au travers du récit, on le situe dans une époque, un endroit, une culture, un contexte. On le place dans l’histoire. Puis, quelque chose bascule. Le protagoniste perd l’équilibre, il va chercher à retrouver une harmonie dans sa vie.

Le héros d'une fiction, un papillon. Création d'un personnage en atelier d'écriture.



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Image par 
Monika de 
Pixabay Le personnage peut être un animal.

Le personnage principal dans un passé

Création du personnage en atelier d’écriture

L’orage avant grondé. Soufflé. Craché. Tué. Par miracle, le lépidoptère avait trouvé refuge sous une épaisse branche. La pluie mouvante l’avait quelque peu bousculé, mais il était parvenu à s’accrocher, alors que ses forces de nouveau né dans la tribu papillonesque n’étaient pas encore éprouvées. La solitude le tenait aux aguets. Puis ce désir de trouver la fleur. Ce désir qui l’avait poussé à reprendre les vagues du vent, à reprendre sa course quand la dernière goutte de pluie était tombée.

Jeter un œil en arrière

Le personnage d’une fiction possède une vie d’avant le récit. De ce passé, l’auteur doit en avoir conscience. Il peut l’inventer, l’imaginer, sans en développer toute une narration en direction de son lectorat. Il doit par contre l’avoir en tête, et en retirer ce qui pourra enrichir le présent de ce personnage, lui donner sens, rendre ses actes cohérents, dans une logique psychologique crédible. Dans mon exemple, on comprend que le papillon a vécu une aventure plutôt violente, ce qui explique peut-être son vol aléatoire. Et il porte en lui les gènes, l’histoire des papillons.

Le passé du héros a une incidence sur ce qu’il est, ses actions, ses réactions, son caractère, ses désirs. Son rapport, ses relations avec les personnages secondaires. Ceux-ci ne doivent pas être négligés, ils accompagnent notre héros d’une manière ou d’une autre, même s’ils sont morts, absents, ou jamais vraiment présents. On peut revenir à Harry Potter, dont la vie passée a une grande influence sur la construction du jeune homme. Le traumatisme de la mort de ses parents, le duel dans le berceau avec le mage noir, la maltraitance de sa famille d’accueil, la prophétie qu’il ignore, mais qui a orienté sa destinée. Puis son histoire familiale, son héritage, le caractère de ses parents, leurs propres problèmes…

En 7 tomes, il était confortable de développer tout ce vécu, mais dans des romans plus courts, il faudra faire en sorte de situer les éléments clés. Même s’ils ne sont pas décrits et expliqués, l’auteur peut prendre un temps pour l’imaginer. Puis le faire deviner ou transparaître avec quelques attitudes, réactions, objets.

Certains romans, ou plutôt des sagas, racontent la vie entière d’un personnage. L’amie prodigieuse, d’Elena Ferrante, La gloire de mon père, et la suite, de Marcel Pagnol… Même ainsi, il existe un passé qui précède le roman, qui concerne une histoire familiale, culturelle, patriotique. Tout récit s’inscrit dans une histoire plus grande.

l'amie prodigieuse d'Elena Ferrante, des personnage racontés dès l'enfance.
L’amie prodigieuse, d’Elena Ferrante

Le personnage principal au futur.

Création du personnage en atelier d’écriture

Il ne lui restait que quelques heures. Quelques heures encore pour trouver cette fleur dont on lui avait parlé. Elle était plus au sud, c’est pourquoi il suivait la course des ombres, la vibrance du sol d’une tiédeur plus marquée. Ici, c’était habituel, rien n’arrêtait son regard. Au déclin du jour, il serait trop tard.

Mais où va-t-il ?

Comme je le disais auparavant, le personnage de fiction (roman, film…) rencontre une difficulté. Celle-ci peut être issue du passé, ou surgir brusquement dans son présent. Elle peut être de son fait, ou d’un autre personnage. Par exemple, ce qui pousse le Petit Chaperon Rouge à quitter sa maison, c’est la demande de sa mère. Il n’y avait pas un désir de la part de la petite héroïne. Quand Harry Potter décolle de la maison des Dursley, c’est parce qu’on est venu le chercher. Il n’avait pas une volonté d’abandonner les lieux, du moins pas consciemment.

Quand on imagine un personnage, on imagine ce qui va le déstabiliser, le mettre en péril, en difficulté, ou en action, tout simplement. Quelque chose doit se passer, sinon, il n’y a pas d’histoire. Dans un roman policier, ce sera le désir de résoudre un meurtre ; dans une romance, de conclure en amour ; dans un thriller de se sortir d’une situation oppressante ; dans un roman de littérature générale, ce sera l’aspiration à trouver une nouvelle stabilité. Cela passe par l’idée de trouver du sens à son existence, à ses actes. Mon petit papillon a le désir de dénicher une fleur particulière, parce qu’il semble qu’elle le comblera avant de mourir. On le sait, la vie d’un papillon est courte ; cela rajoute à l’urgence, à la tension.

Création du personnage en atelier, un moment de réflexion

Alors, mon cher apprenti écrivain, ferme les yeux, contemple ton personnage, droit dans ses bottes, le regard fixé en ta direction. Tu le sais, il a une vie, il a des blessures, des forces, des faiblesses et des envies. Que va-t-il se passer ? Pourquoi soudain va-t-il se mettre à marcher, ou à courir ? Quelle est l’énergie qui va le conduire à sortir de sa zone de confort ? De sa situation initiale ? Oui, tu vas devoir le malmener un brin, l’égratigner, le rendre fragile et mortel. Il va partir en quête et t’échapper quelquefois. Mais n’oublie pas, il possède une histoire, et cette histoire va lui fournir une singularité, lui faire prendre des chemins, des choix. Il va en baver un peu. C’est selon ton désir. Mais également celui de ton lecteur. Pense que celui-ci attend quelque chose, qu’il passe comme un contrat avec toi. Tu vas le bousculer, le détourner, mais lui apporter aussi ce qu’il veut.

Quand on crée un personnage, se poser ces questions : quel est le contexte, que va-t-il de venir ?



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Piyapong Saydaung de 
Pixabay 

S’entraîner à trouver des personnages

Tu le fais certainement déjà, tu inventes, j’en suis sûre, très régulièrement. Quand tu t’imagines répondre à un agresseur (alors qu’en vrai tu n’as pas réagi). Ou quand tu vois ton futur, des situations que tu voudrais vivre ou ne pas vivre. Quand tu crées un profil, tu te décris, mais tu pourrais tout aussi bien improviser. On parle d’avatars. Sur les réseaux, les jeux vidéos comme les Sim’s, ou même Fornite… On te demande souvent d’inventer un autre toi. Ton double. Parfois, ce double est utile pour se sentir plus fort. Tu pourrais exploiter cette idée, construire un personnage avec d’autres qualités, peut-être des pouvoirs. Un qui n’aurait pas peur de discourir devant une assemblée, un qui s’habillerait tout en cuir, ou habiterait un pays minuscule. Un double, un toi différent, qui pourrait t’aider à devenir qui tu souhaites être. Un toi voulu, futur, désiré.

Dans la même lignée, tu peux concevoir un ami imaginaire. Celui qui te comprendrait. Il peut être drôle, extra-terrestre, te parler, t’inventer. Un Livre à lire pour les adolescents : Confession d’un ami imaginaire, de Michelle Cuevas.

Et si tu es adulte, tu peux rejoindre ton enfant intérieur, combler les manques, réparer, retrouver. Le repeindre avec du recul.

On est le personnage principal de notre propre vie. C’est intéressant d’écrire sur soi, d’aller puiser dans notre histoire, nos peurs, nos désirs, de retrouver des souvenirs, de se recréer, en mieux, en pire, dans le passé ou dans le futur, aujourd’hui, mais différent. L’exercice peut se poursuivre régulièrement au travers d’un journal intime.

Et puis… et puis inventer mille autre personnages que l’on peut persécuter, aimer, trahir ou aider, c’est toujours rédiger de soi, sur soi, de notre point de vue, de ce qu’on ressent ou comprend de l’humanité.

Consignes d’ateliers philosophiques : mets-toi à la place de. La chaussure, la souris, l’arbre, l’ogre, Obama, d’une reine, d’un migrant, d’une idée. L’empathie est nécessaire à la création. L’auteur n’en manque pas. Sensible et psychologue, il sait inventer la réalité d’un personnage.

Confession d'un ami imaginaire, de Michelle Cuevas. Personnage imaginaire.
Confession d’un ami imaginaire, Michelle Cuevas.

Pour conclure

Travaille la psychologie, les travers humains, comme ce qu’il y a de plus beau, de plus fort ; invente, couds, approfondis, imagine des vies. Sans partir sur un roman directement, c’est déjà stimulant, c’est déjà une histoire. L’être vivant est une histoire. S’animer, s’envoler, vibrer. Vivre est une fiction qui se réalise. Toute vie fictive ou réelle est intéressante. Ne serait-ce que la courte existence d’un papillon.

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