Le conte, toute une histoire !

Le conte, c’est pour les enfants ! En es-tu si sûr, jeune Padawan de l’écriture ? Le conte, c’est une histoire racontée à l’oral, transmise de bouche à oreille, mais qui ne se destinait pas à être écoutée que par les enfants. Il avait pour fonction de distraire toutes les populations, adultes et enfants confondus, avant d’être repris par des écrivains et retranscrit sur papier.

Pour en savoir plus, j’ai interrogé Anne-Valérie Mille Franc, conteuse et spécialiste de ce genre à l’origine de nos fictions. Et pour les amateurs, j’ai imaginé un conte, à lire en seconde partie.

Le conte ouvre les portes à l'imaginaire. L'homme peut inventer des histoires.
Le conte, toute une histoire, par Ghinzo de Pixabay

Questions :

Le conte, c’est pour les enfants ! Que dire de cette affirmation ?

Je dirais plutôt que le conte s’adresse à tous ceux qui grandissent, évoluent, franchissent des étapes, des épreuves. C’est loin d’être le lot seul des enfants, c’est notre chemin à tous. Le conte s’adresse à tous, d’ailleurs à l’origine les veillées où les contes se racontaient rassemblaient toutes les générations. On était loin de certaines versions édulcorées que l’on trouve aujourd’hui. Si l’on regarde les toutes premières versions collectées de certains contes, on s’aperçoit vite que beaucoup sont très crus, cruels, avec des passages scatologiques…

Le conte est avant tout un récit initiatique, une quête de soi, qui raconte comment nous avançons sur le chemin de la vie jusqu’à la dernière grande étape. Il s’adresse à tous les âges.

Peut-on dire du conte que c’est de la littérature ? Et si oui, quelle place occupe-t-il dans l’histoire littéraire ?

Le conte est éminemment un art populaire, un art de la parole, qui ne trouve ses premières versions écrites qu’au moment de la Renaissance en Italie avec notamment les vénitiens.

Lire un conte, est-ce une hérésie ?

Absolument pas. Le passage par l’écrit a permis d’assurer la transmission de ce patrimoine, mais aussi de pouvoir entreprendre un véritable travail ethnologique autour de ce matériau.

Lire un conte c’est déjà lui donner vie, le mettre en voix. Le danger est peut-être de s’enfermer dans le texte littéraire lorsque l’on veut raconter « sans filet », en portant sa propre interprétation de l’histoire. Les élèves racontent souvent avec le passé simple, lu dans les recueils, et le résultat n’est pas toujours très heureux.

Quels sont les premiers écrivains à avoir écrit des contes ?

C’est en Italie à la Renaissance que l’on trouve les premières traces écrites. Plus tard, les frères Grimm et leur formidable travail de collecte, puis Madame Leprince de Beaumont.

En quoi la lecture (ou l’écoute) de contes peut-elle nous aider à améliorer notre écriture créative ?

Le conte ne connaît pas les limites et contraintes du réel : on peut y voyager dans le temps, les espaces, avoir recours à des objets magiques, croiser toutes sortes de créatures surnaturelles tout en portant des motifs humains universels. Cette magie du conte nous ramène à notre psyché, au domaine onirique, et c’est un matériau puissant pour la création.

Peut-on aujourd’hui devenir un créateur de conte ? Et si oui, quelles qualités vaut-il mieux posséder ? Et quelles qualités cela peut-il développer ?

Jacques Salomé l’a fait pour faire passer des messages forts. Je pense que l’on peut dès l’instant qu’on en connaît la structure et que l’on s’intéresse aux grands traits communs à tous : l’amour, la vie, la jalousie, l’envie, le désir, la peur, la mort, etc.

Retrouve-t-on dans les fictions (films ou livres) forcément la même trame que dans un conte ?

Je ne pense pas être assez qualifiée pour répondre à cette question. Oui et non. Tout personnage de film et de roman fait l’objet d’une quête, rencontre des épreuves, des opposants, des adjuvants ; les points communs sont nombreux, bien sûr, puisque tous ont en commun de raconter la grande et terrible aventure de la vie humaine.

Existe-t-il de grands conteurs modernes ?

Je citerai Jihad Darwich, et Catherine Zarcate qui sont deux conteurs puissants. Mais il en existe beaucoup d’autres…

Quelques auteurs classiques à retenir :

Charles PERRAULT (1628-1703) : Les Contes de ma mère l’Oye

Mme Leprince de Beaumont (1711-1780) : La Belle et la Bête

Jacob (1785-1863) et Wilhelm (1786-1859)

GRIMM Hans-Christian

ANDERSEN (1805-1875) : La Petite Sirène

Marcel AYMÉ (1902-1967) : Les Contes du Chat-Perché

https://pedagogie.ac-strasbourg.fr/fileadmin/pedagogie/lettres/Fiche_Histoire_Litteraire_conte_Millerand_Faure.pdf

Pourquoi l’écrivain doit s’intéresser aux contes ?

Transposer la trame du conte au scénario ou au roman peut aider à écrire.

Si vous êtes débutant dans l’écriture, que vous désirez écrire un roman ou une nouvelle, mais que vous ne savez pas par quel bout le prendre, vous pouvez reprendre la structure d’un conte.

Exemple :

Situation initiale

On peut imaginer un roi, ou un chevalier (héros) qui possède, un château ou un royaume. Problème, ce jeune héros pacifiste déteste les batailles et les guerres, la vue du sang et la mort. Il protège même les animaux vivants sur son territoire et empêche quiconque de les tuer. Et comme ils sont devenus envahissants, la plupart de ses sujets sont partis. Aussi, il se sent seul, isolé, il s’ennuie un peu.

Dans un conte ou un récit, les épreuves traversées par les héros nous tiennent en haleine.
Le conte, les épreuves par

Waldkunst 

Élément déclencheur

Un jour, un de ses sujets lui apprend que le roi du pays voisin veut se débarrasser d’un dragon qui terrifie la région, et surtout qui est assis sur un trésor qui lui appartient. En échange de la défaite du dragon, il promet la main de sa fille et le partage du trône.

Alléché, inquiet, tout de même, notre héros (appelons-le Hector) décide de se lancer dans cette aventure, pour ne pas finir vieux et seul dans son château décrépi.

On commence à voir notre histoire. On a un personnage, ses qualités et ses défauts, sa situation insatisfaisante, et ce qui va le forcer à bouger, à évoluer, à se dépasser.

Hector s’équipe et part (une épée, un casse-croûte, peut-être un cheval). Il parcourt un bout de sa forêt qu’il connaît bien, puis s’engage dans des parties du territoire plus lointaines. Bien sûr, il craint de se perdre, mais s’oriente grâce au soleil, c’est pourquoi il doit circuler le jour. Les difficultés doivent aller crescendo. Pour l’instant, on sent juste un peu de pression.

Première étape 

Hector arrive au bord d’un fleuve, ou d’une grande rivière, et se rend compte en la longeant que le pont qui le relie au royaume voisin a été détruit. Il ne peut plus passer. Et il ne peut traverser, le courant est trop fort, de plus il craint l’eau, ne sachant pas nager (oui, il n’est vraiment pas gâté, le pauvre).

Il marche un petit moment, en quête d’un passage, mais rien ! Soudain (on affectionne, les “soudain”), il aperçoit un poisson coincé sur une roche dépassant de cinquante centimètres au-dessus de la rivière. L’animal, carpe, saumon, ce que vous voulez, a des sursauts de vie encore. Rappelez-vous, il aime les animaux. Aussi, il n’écoute pas sa peur, il s’avance dans l’eau, bravant le courant, là où il a pied. Il s’aide de quelques roches affleurantes, et parvient jusqu’au rocher. Là, il attrape le poisson et le rejette dans l’eau ! Victoire !

Dans les contes, toute bonne action est récompensée. Alors on y va : il se trouve que le poisson est un des seigneurs de ce fleuve. C’est également un être magique. Il nage un peu dans le courant, saute, et vient retrouver son bienfaiteur.

– Mon sauveur, lui dit-il. Pour te remercier, dis-moi ce que je peux faire pour toi.(on a découvert notre adjuvant).

– Et bien, je pense que tu ne peux rien faire ! (oui, dans les contes, les animaux parlent et personne n’est surpris, alors on en profite) Il me faudrait un pont pour traverser le cours d’eau.

– Pas de problème.

Et là, le poisson envoie un message sous l’eau, et tous les castors du coin se mettent à fabriquer un pont de bois ! Ils travaillent sans relâche, toute la nuit. Au petit matin, Hector trouve un superbe pont qui n’attend que lui pour rejoindre le royaume voisin.

Voilà Hector reparti, reposé, suivant l’inclinaison du soleil, mais quelques nuages l’inquiètent un peu. Mais il se dépêche, puise dans ses forces (encore un peu de pression) et arrive sans soucis devant la grotte du dragon.

Deuxième étape

Mais voilà ! Problème. Tout un tas de chevaliers se trouve déjà là, en train de se battre pour entrer dans la grotte (ils font office d’opposants). Hector n’aime pas la violence, alors, on l’aura compris, se bagarrer avant d’aller combattre un dragon, très peu pour lui. Comment va-t-il faire ? Et bien, quand une porte est fermée, on passe par une fenêtre. Notre héros va donc faire le tour de cette montagne, en quête d’une autre entrée (il utilise son intelligence au lieu de la force). Au bout d’une vingtaine de minutes, il aperçoit un trou, en hauteur. Il se met à escalader la montagne, et bingo ! Il trouve un passage. Pendant que les idiots d’humains ordinaires se ratatinent la tête un peu plus loin, lui pénètre dans les tunnels de la montagne. Il ne peut plus se repérer au soleil, mais il y parvient grâce à l’odeur. Le dragon pue, c’est une chance. Ce parcours est toutefois périlleux. Hector ne voit guère où il marche, il se cogne, doit se pencher, tâter de la paroi, et tout cela dans l’incertitude la plus totale. Mais enfin, il aperçoit de la lumière rouge, et même s’il est incommodé par l’odeur, il approche. Et trouve le dragon. Assis là, des morceaux de murs incandescents autour de lui, et des tas d’objets précieux sous ses fesses. Voilà Hector face à un choix cornélien : doit-il tuer le dragon ? Il n’aime pas tuer, pas plus les animaux.

Troisième étape

Hector reste immobile, à observer le gardien qu’il doit combattre. Comment faire ? En effet, la bestiole semble très forte, mais en même temps, plutôt sympa. C’est vrai, pourquoi irait-il abattre un être vivant ? Pour épouser une princesse qu’il n’a jamais vue ? (pour les questions de féminisme, on repassera, je sais) ? Régner sur un royaume qu’il ne connaît pas ? En vérité, Hector a maintenant envie de faire demi-tour, il se sent incapable de se dépasser. Et dans les contes, les héros se dépassent tout le temps. Alors ? Alors Hector va composer avec sa différence, en faire une force.

Voilà qu’il interpelle le dragon.

– Dragon, j’ai un cadeau pour toi.

(on peut imaginer que quelques flammes tentent d’atteindre notre protagoniste qui, malgré tout, parvient à se faire entendre).

– Je te propose un marché. Regarde, je ne suis pas venu pour te tuer, je dépose mon arme. Je n’ai jamais exécuté personne de ma vie, cela ne va pas commencer. Je t’offre mon château, en échange de la paix. Tu y vivras heureux, et de leur côté, les hommes se sentiront moins en danger.

– Qui a dit que je voulais quitter ma grotte ?

– Alors que souhaiterais-tu en échange, sachant que je dois repartir d’ici avec la paix pour les hommes et le trésor du roi ?

Le dragon est surpris par cet homme qui ne combat pas, qui ne ruse pas, qui annonce la couleur, sans détour. Et cela plaît au dragon. Il accepte le marché. Le château pour les vacances, et la tranquillité dans sa grotte. Et pour le roi, il accepte de céder l’épée de ses ancêtres, et c’est tout. La paix vaut bien plus que le reste. Ce qu’il veut en échange, c’est qu’on vienne lui raconter des histoires de temps en temps, qu’on lui apporte des cadeaux et des mots doux. Plus jamais il ne terrorisera personne.

Ainsi, Hector s’en va avec des promesses et l’épée du roi. Il part en cachette, pour ne pas rencontrer les autres chevaliers, parvient au palais, et annonce le marché. Le roi hésite, il aurait préféré un dragon mort et un trésor entier. Mais la princesse qui écoutait tout cela derrière un rideau, sort de son abri et demande à son père d’accepter. Un homme qui négocie avec les dragons, ça doit bien valoir le coup.

Dénouement

On peut imaginer que la princesse a eu son mot à dire, c’est mieux. Et c’est elle qui valide pour épouser cet homme qu’elle trouve admirable. Le royaume vit en paix, désormais, et quand le dragon part en vacances dans le château d’Hector, personne ne cherche à le tuer.

La morale, c’est qu’il suffit parfois d’échanger pour comprendre ce que veut l’autre. Inutile d’aller l’exterminer tout de suite (ça vaut aussi pour les araignées, les moustiques ou les mouches).

Voilà une trame possible pour toutes les fictions.

On peut reprendre cette histoire d’une différente manière, plus moderne.

Un homme seul, végan et incompris, décide qu’il va devoir composer avec le monde qui l’entoure s’il veut être accepté. Il quitte sa maisonnette de province pour rallier la grande ville, où il compte participer à une émission de télé-réalité (genre Marié au premier regard, L’amour est dans le pré, etc.). Tout d’abord, il doit retaper sa voiture et rejoindre sa destination à bord d’un vieux modèle à bout de souffle. Il tombe en panne, répare, se perd (il ne possède pas de GPS) et s’arrête pour sauver un chat qui vient d’être heurté par une auto. Le propriétaire approche en courant, le remercie et lui prête son bolide flambant neuf, ému par la volonté et l’objectif de cet homme.

Enfin arrivé au casting de l’émission, le combat commence. Chacun y va de son égo, use des rapports de force, et l’ambiance est à vomir. Hector (il s’appelle aussi Hector), en s’isolant pour réfléchir, trouve un des producteurs de l’émission, un pauvre type alcoolique désolé par ce qu’il produit. Notre héros discute avec lui, l’écoute, lui propose de l’emmener en vacances chez lui, dans sa campagne tranquille. En échange, il ne demande pas grand-chose, si ce n’est quelques astuces pour réussir à passer l’étape du casting.

C’est alors qu’une des actrices de l’émission l’entend converser avec le producteur et est touchée par cet homme qui lui semble différent des autres. Elle en tombe amoureuse.

On peut écrire une version science-fiction.

Un homme demeuré seul sur terre pour protéger ce qu’il en reste décide de réintégrer l’humanité partie sur une autre planète. Il doit d’abord mettre en marche le vaisseau qui lui permettra de rejoindre ses semblables. Et ce n’est pas gagné, il lui manque des matériaux. Grâce à sa connaissance de la nature et de la chimie, il sait où en dénicher. Il parvient à partir et retrouver le nouvel Eden.

Mais notre héros se rend compte qu’il est dur de se faire une place. Les femmes sont devenues rares, et tout le monde courtise la fille du président, parce qu’il vaut mieux être riche que pauvre. Et comme le dirigeant de ce Nouveau Monde cherche par tous les moyens à se débarrasser de la Bête, l’inquiétante créature qui occupe les sous-sols du territoire dont les humains se sont emparés, Hector se dit que c’est le moment de gagner des points L’avantage d’Hector, c’est qu’il sait encore communiquer avec les animaux, avec le « sauvage » devenu étranger aux autres humains. Évidemment, ça plaît beaucoup à la fille du président. Hector n’est pas ordinaire.

Qui a une autre idée pour créer son histoire ?

Je vous laisse inventer votre propre histoire. Un conte, pourquoi pas ? En commençant par Il était une fois, on sait déjà que tout sera inventé. C’est comme une phrase magique qui ouvre les portes de l’imagination et de l’inconscient. Alors libérez votre pouvoir créatif, écrivez votre propre histoire.

N'hésitez pas à partager si vous avez aimé un article.

2 thoughts on “Le conte, toute une histoire !”

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Related Post