Est-ce que l’inspiration pour écrire a une source cachée, seulement visible à quelques élus ? Est-ce que l’écrivain compose en écoutant une petite voix intérieure (portée par une muse bienveillante) ? Il y a de ça. Mais l’inspiration vient bien de quelque part ; parfois en écrivant nous pouvons être surpris par les idées (tellement) géniales qui sont en train de naître. Notre inconscient nous joue des tours. En tant qu’être vivant, nous avons emmagasiné de multiples sources d’imagination, mais sans toujours y faire attention. Comment peut-on rendre plus consciente notre créativité, et même la nourrir pour lui donner plus de corps et de souffle ? Comment trouver des idées pour inventer une fiction ?
Mon passager-écrivain, tu veux écrire un roman ? Je t’embarque jusqu’à la source de l’inspiration (enfin, au moins 3 sources).
1. Collectionneur tu seras. Le grand monde nous offre tout le matériel nécessaire : inspire.
Rappelle-toi, futur auteur, dans l’article sur les romans policiers : les journalistes s’inspiraient des affaires et des faits divers pour écrire des romans. Alors, transforme-toi en reporter, recueille et collectionne des idées tirées de l’actualité, qu’elle soit belle ou sordide, selon ton envie.
En s’informant, on connait mieux le monde qui nous entoure, en enrichit notre accès au savoir. Les grands écrivains sont généralement des gens cultivés qui donnent à leurs œuvres plus de force en l’inscrivant dans une réalité sociale, culturelle, économique, politique, etc. Et surtout, en t’inspirant de la vie extérieure, tu vas aller plus loin que ce que tu pouvais imaginer. De plus, la réalité dépasse parfois la fiction.
Comme un reporter, garde avec toi un cahier sur lequel tu pourras coller des articles de journaux (faits divers émouvants, tristes, amusants, ou articles des différentes rubriques : nouvelles technologies, sport, nature, politique…), mais aussi des portraits d’hommes, de femmes, des représentations de paysages, de robots, chats, chiens, fleurs, villes, bâtiments, monuments… Tu pourras, ensuite, piocher dedans pour enrichir une description, l’affiner, ou pour dénicher un point de départ à ton histoire, tout simplement ; pour complexifier le tout, tu pourras mêler toutes tes trouvailles.
Tu peux structurer ton cahier comme un bullet journal, mais orienté vers l’écriture. Ainsi, tu allieras ainsi organisation, création, enquête et plaisir.
Les romans historiques puisent largement dans cette source d’inspiration, tout comme les romans policiers, ou encore ceux qui décrivent des faits de société.
Livres à lire :
La mort est mon métier, de Robert Merle, publié en 1952 : l’histoire recréée du directeur d’Auschwitz. L’auteur a dû enquêter pour écrire son roman ;
Le garçon en pyjama rayé, de John Boyne (Gallimard, 2007), qui met en scène, cette fois, l’enfant du directeur d’un centre de concentration.
Journal d’une sorcière, de Celia Rees (Seuil, 2007). Une jeune fille accusée de sorcellerie parvient à s’échapper et accompagne des puritains en route pour une nouvelle terre, les Amériques.
Les promises, de Jean-Christophe Grangé, Albin Michel, 2021. Un ouvrage plus récent, qui allie roman historique (toujours sur la période de la Seconde Guerre mondiale) et policier.
2. Observateur tu deviendras. La vie autour de toi respire et transpire.
Rien de plus mal poli que d’observer les gens autour de soi. Personnellement, j’adore et je ne m’en lasse pas. Dans les transports en commun, à la mer, à la rivière, à la piscine municipale, au restaurant, bref ces endroits où l’on n’a pas grand-chose à faire d’autre que d’attendre ou jouer les curieux. Ce sont des moments où l’on peut repérer des détails particuliers sur notre entourage : un beau regard, une attitude inquiétante, des vêtements originaux ou au contraire, plusieurs personnes habillées de la même manière. Observer les gens est un exercice très riche. Lève le nez de ton portable, et scrute, prends des notes, analyse, étonne-toi.
Et par la vitre du bus, ou au-delà de ta serviette de plage, admire les pierres de ta ville, la lumière du jour, la couleur des éléments, l’organisation des rues, la foule ou les badauds, les mouvements, les bruits, les odeurs, les altercations, interactions, le flux, le reflux, ces détails qu’on ne rencontre pas ailleurs ou, à l’inverse, qui sont communs aux lieux où tu te trouves.
Les romans sont grandement composés de cette observation des lieux et des gens. Alors, n’hésite pas à jouer les curieux, et relève des faits et constatations que tu pourras ajouter à ton journal. Plus tu observes, plus tu découvriras des idées, plus elles s’imposeront à toi, sans aucun effort.
À lire :
Odette Toulemonde et autres histoires, d’Eric-Emmanuel Schmidt, Albin Michel, 2006 : portraits de femmes, dans notre société.
Les petites reines, ou Brexit romance, de Clémentine Beauvais (oui, j’aime beaucoup Clémentine Beauvais) : comment les jeunes gens s’insèrent dans notre monde contemporain ? Ces récits liés à l’actualité sont portés par des personnages très attachants.
3. Un analyseur tu seras. L’intimité comme source d’inspiration.
Il paraît que c’est de ce qu’on connait le mieux qu’on parle le mieux. Apprends donc à te connaitre, sois ta source d’inspiration. Observe-toi. Trouve dans ton existence ce qui peut te servir, tes expériences, rencontres, accidents, désirs, frustrations, joies, peines. Ta vie intime est un trésor. Tu as vécu un milliard d’émotions, plus ou moins fortes, des sentiments en tout genre t’ont traversé, des histoires te sont arrivées.
Puis tu n’es pas seul. Tu as une famille, des amis, des ennemis, des voisins, des connaissances et tu notes chez eux des travers ou des qualités, ils te font rire, ou te font du mal. Ils sont pathétiques, parfois, ou grandioses. Ils ont des histoires qu’ils t’ont racontées, des sentiments, des peurs, des espoirs, des vies ordinaires, mais extraordinaires à leur façon.
Rédiger un journal intime permet de percevoir ces variations en nous, de mettre des mots sur des émotions, des actions. Écrire sur soi c’est déjà écrire pour l’autre.
L’autofiction (le roman personnel) (voir l’article sur les auteurs de moins de 20 ans) est un genre littéraire, initié par Proust et Colette. L’auteur est le narrateur et le personnage principal, il puise dans sa vie, mais raconte selon les modalités d’un roman, il peut mêler le vrai et le faux. L’intrigue et l’esthétique doivent s’allier au récit pour en faire une œuvre littéraire.
George Sand s’inspirait également de sa vie pour écrire ses récits. Mais quel créateur ne le fait pas ?
On pense aussi à Philipe Delerme avec La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules (Gallimard, 2011) : prendre dans les sensations et les gestes anodins du quotidien pour en rendre toute la saveur.
D’autres auteurs ont choisi d’écrire sur leur enfance :
Marcel Pagnol, Joseph Joffo, Hervé Bazin, Jules renard. Ils ont romancé leur enfance, ou ont puisé dedans pour créer de nouveaux récits.
Il ne faut pas craindre l’égocentrisme. Se tourner vers soi permet bien souvent de comprendre les autres et de perfectionner son empathie. Explorer l’humain en nous est fascinant. L’analyser est très compliqué. L’écriture aide à cela.
Un sacré mélange de toutes ces sources d’inspiration qui fera de toi un auteur.
Les romans sont une combinaison de toutes ces sources d’inspiration. Il est difficile de rester dans la sphère intime sans parler de la sphère culturelle et sociale et inversement.
Le roman est un spectacle. Les mots des comédiens, qui travestissent ou subliment une réalité. Tout se mélange, se marie, se perd, se fond, se met en valeur.
Quand Primo Levi écrit Si c’est un homme, il parle de sa vie mêlée à la tourmente mondiale. Où est la limite entre l’intime et l’universel ? Où commence la fiction ? Peut-être là où commencent la formule et le désir de sublimer un moment par les mots.
Quand Delphine Le vigan écrit Rien ne s’oppose à la nuit, elle pose derrière cette histoire personnelle la description d’une maladie qui concerne un grand nombre de personnes, des douleurs universelles ; la relation personnelle mais commune entretenue avec ses parents.
Quand Christine Angot écrit L’inceste, parle-t-elle de sa douleur ou de la douleur commune à toutes les victimes de l’inceste ?
Pour l’anecdote : en rédigeant ma série Miss Rabat-joie, je ne suis pas allée chercher bien loin les idées, j’ai pioché à droite et à gauche, prenant toutes les actualités qui me tombaient sous la main, sur les trois sources d’inspiration précédemment citées. Finalement, beaucoup d’éléments sont vrais, mais complètement transfigurés et désorganisés. J’ai inscrit ce récit dans une époque où l’écologie est, ou devrait être, au cœur de toutes nos réflexions.
Toutes les histoires vraies sont plus ou moins romancées, en tout cas l’intrigue est travaillée pour offrir au lecteur l’envie de continuer, et lui donner à voir la vie différemment, avec plus de panache.
Quelles sources d’inspiration pour les romans de l’imaginaire ?
Quand on écrit de la fantasy ou du fantastique, malgré les apparences, on a les mêmes sources d’inspiration. On s’appuie sur le réel pour enrichir nos questionnements, avec la fameuse question : et si…
Et si subitement, au milieu de la mer, surgissait un requin géant ? (comment serait-il ? Que feraient les gens ? Comment est-ce que je réagirais ?)
Et si soudain, en marchant dans la rue, je voyais pousser entre les joints des murs des plantes aux longs tentacules ? (Est-ce qu’une plante peut avoir un tentacule ? Pourraient-elles envahir la ville ?)
Et si dans le futur, les parents décidaient de ne plus élever leurs enfants ? (les enfants sont-ils toujours adorables ? Peut-on aimer sans condition ? L’éducation est-elle nécessaire ?)
Et si un monde parallèle au nôtre existait ? (Comment serait-il ? Pourrait-il porter d’autres valeurs ?)
Invente-t-on vraiment ? Peut-être pas. Quoi qu’il en soit, le romancier est un brodeur. Un Créateur. À toi de jouer, jette-toi dans le fleuve de la littérature.
Etre inspiré et inspirant
S’inspirer de la vie, pour parler de vie. Ce qui peut se passer, en cherchant dans ces sources d’inspiration, c’est d’écrire quelque chose d’inspirant. N’est-ce pas la volonté d’un auteur ? N’est-ce pas le but ? Inspirer le lecteur, lui donner du souffle, de la matière, de la couleur. Lui rendre une vie qu’il ne perçoit pas toujours, englué dans son quotidien. Alors ce que je dirai aux écrivains en herbe : en plus d’être inspirés, soyez inspirants !
Ce qui fonctionne pour la fiction, peut fonctionner pour tout type de production. C’est pourquoi je participe avec cet article à l’évènement « comment créer du contenu qui inspire votre audience ?” du blog Blogueur Pro. Ce blog est source d’inspiration pour qui veut rédiger, produire, provoquer les idées, les canaliser, les structurer. Parce que vous souhaitez peut-être écrire autre chose que des romans, chers passagers. Vous pouvez lire l’article sur l’écriture d’un article de blog parce qu’il est aussi question d’inspiration.
Merci pour ces 3 sources d’inspiration. En tant qu’auteure de fantasy, je m’inspire également de tous les jeux de rôles auxquels je participe.
Merci pour ce partage. Je compte faire un article sur les jeux de rôle.
Ce sont d’excellent conseils ! Bravo et merci !
Ils pourraient également être transposés à bien d’autres domaines de la vie 🙂
Pour l’inspiration je suis d’accord, c’est d’ailleurs la lecture, plus jeune, de “Sherlock Holmes” qui m’a mené vers mes passions et une partie de mon activité aujourd’hui ! Comme quoi…
Merci Florence
Et oui, l’inspiration, l’écriture, tous les domaines, la vie… ce n’est qu’un lien et ses bifurcations.