Mes chers passagers, vous qui naviguez sur les flots tumultueux de la littérature, de l’écriture créative, vous voilà avec un personnage original, un pirate hypersensible, une princesse très moche, un criminel de 98 ans, un fou invisible, une dentiste phobique, un chien à trois pattes… C’est très bien, le personnage porte le récit autant que l’intrigue. Mais un autre élément participe à la construction d’un roman : le lieu. Il donnera une ambiance, des ouvertures ou des contraintes qui feront de votre histoire une création unique.
Grande ville ou petit village ?
Vous aurez remarqué, matelots littéraires, souvent les récits se passent à Paris, à New York… ou autres grandes villes. Pourquoi ? Sans doute pour l’anonymat que cela permet. Des millions de gens résident dans ces villes, il est ainsi facile d’y imaginer des personnages qui seraient fondus dans la masse. On peut même s’inspirer de personnages croisés au hasard des rues ou de notre voisin !
Personne ne peut nous accuser de copier, de la foule on peut concevoir ce qu’on veut. Nos protagonistes seront alors dans une ambiance urbaine, souvent moderne. Citer un petit village est plus délicat, mais surtout pour ceux qui y habitent. Le but pourrait être une mise en lumière d’un endroit, d’un élément historique, d’un monument. Melissa Da Costa dans Tout le bleu du ciel fait résider ses personnages à Eus, petit village atypique des Pyrénées-Orientales. Cela a quasiment créé un circuit touristique, les lecteurs ayant eu envie de suivre les pas des deux héros.
Marc Levy et Guillaume Musso, auteurs à succès, sont adeptes des grandes villes dans lesquelles leurs personnages peuvent être n’importe qui, ressembler au quidam, à vous, à des héros de films.
Le lieu peut être une ville, importante, petite ou moyenne, voire un village, mais il n’est pas cité. On reste dans le flou. Éventuellement, on peut dire qu’on se trouve dans une modeste ville du Jura (par exemple).
C’est généralement mon habitude en situant mes récits dans le sud, région de France où je réside, et qui sort la littérature des sentiers parisiens.
Les road trip.
Ou les romans itinérants. Nos héros vont être amenés à bouger. La route en devient presque l’héroïne, le sujet principal. Bien souvent, c’est une quête, un récit initiatique et l’importance s’inscrira dans la transformation du ou des personnages, dans sa prise de conscience. On en revient aux héros de Mélissa Da Costa, dans Tout le bleu du ciel, par exemple.
Ce peut-être aussi un roman d’aventure, qui n’en est pas moins une quête, de la fantasy, également, on ne se gêne pas avec les mélanges, ça enrichit l’intrigue.
Même dans un road trip, les descriptions des lieux restent importantes, voire même plus, et surtout plus nombreuses : la route et ce qui borde la route, les endroits où l’on s’arrête, l’impression de mouvement, d’évolution, de changement.
Romans à lire : La dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil, de Sébastien Japrisot, The road, de Cormac McCarthy, Le pays où l’on n’arrive jamais, d’André Dhôtel. Tout le bleu du ciel, de Mélissa Da Costa.
Le huis clos.
L’originalité du huis clos est de coincer un certain nombre de personnages, 1, 2, 4… dans un lieu clos. Tout le roman va se passer dans cet espace qui fera émerger des dissensions, des conflits ou des vérités. Selon le type de roman, la description sera plus ou moins détaillée. On peut décider que le lieu n’est pas important, que seule la relation entre les personnages compte. On donnera deux ou trois éléments de repères : une porte, un canapé, une table, un livre, ou au contraire tout doit être bien retracé, le lieu participant pleinement à l’histoire. Quoi qu’il en soit, l’ambiance psychologique est à travailler.
C’est un de mes sujets favoris (par exemple Dans le ventre de BK). C’est aussi un roman de Sartres, Huis clos. Dans le thème, on retrouvera également Ils étaient dix (ancien Dix petits nègres), d’Agatha Christie, ou Seule en sa demeure, de Cécile Coulon.
La fantasy (ou autres genres de l’imaginaire)
Ce genre propose des lieux imaginaires où tout peut être conçu. C’est merveilleux pour un écrivain, surtout ceux qui voudraient refaire le monde. Parfois, on trouve des cartes dessinées en début de roman, afin d’aider le lecteur à se repérer dans ce nouvel espace. C’est un formidable outil pour faire travailler son pouvoir créatif, mais il faut aussi posséder des capacités de gestion, des connaissances politiques et économiques… Et oui, tout est à inventer, ou presque !
On peut s’inspirer de ce qui existe, comme dans Harry Potter, par exemple. Mais le plus drôle est d’inventer, des villes, une faune et une flore complètement différentes, comme dans Le vagabond des Limbes, (BD) ou La passe-miroir de Dabos.
Cela demande beaucoup de descriptions, d’anticipation, de capacité à imaginer et retranscrire.
Romans à lire : Harry Potter (J.K. Rowling), La quête d’Ewilan (Pierre Bottero), La passe-Miroir (Christelle Dabos), Le seigneur des anneaux (J.R Tolkien)…
La science-fiction a moins de liberté. Elle s’appuie sur de l’existant. Elle permet toutefois de s’échapper dans l’espace et le futur, de coloniser une nouvelle planète (et là on peut inventer), ou de faire de notre avenir un autre monde où tout peut devenir différent.
Exemple avec Projet Oxatan, de Fabrice Colin, ou Dune, de France Herbert.
Le roman historique
Cette fois, ce genre nous donne la possibilité de faire voyager dans le passé. C’est un travail de recherche qui sera exigé, un travail précis. Ce peut-être difficile, puisque ce qui appartient au passé peut nous être totalement inconnu, et plus encore au lecteur. Bien sûr, nous avons vu un certain nombre de films qui nous ont permis de « voir », du moins de concevoir des époques antérieures. Mais en littérature, nous devons décrire nos scènes sans nous tromper. Attention aux anachronismes et incohérences.
C’est intéressant de lire beaucoup de romans classiques où les auteurs décrivaient leur véritable époque. Cela permet de se mettre dans l’ambiance, de retirer quelques éléments de décoration, d’objets du quotidien, voire de couleurs et d’odeurs de la période choisie. Mais on prend sans doute moins de soins à détailler les lieux quand on décrit son propre temps, le lecteur étant censé maitriser la culture de ces lieux.
À lire : Au revoir Là-haut, de Pierre Lemaître, Le garçon en pyjama rayé, de John Boyne, pour les plus jeunes. Ou encore les romans de Max Gallo, ou de Christian Jacq.
Pour un roman d’époque à grand succès : Orgueils et préjugés de Jane Austen. Personnellement, je suis fan de Zola et Maupassant. Les descriptions des lieux sont fabuleuses. Je pourrais parler de Balzac, le roi de la description, mais il s’avère que c’est devenu compliqué pour beaucoup de lecteurs. Vous voulez relever ce défi, si ce n’est pas déjà fait ?
Le genre policier
Les lieux ont beaucoup d’importance, dans ce genre. Ils vont influer sur le meurtre, le dénouement, les failles, notre compréhension des scènes. Les pièces où vivent les protagonistes nous donnent aussi des indices sur leur psychologie, parfois sur le crime lui-même. Il peut y avoir des symboliques. On ne tue sans doute pas pour les mêmes raisons dans un parc ou dans une maison, dans un lieu privé ou un lieu public, en ville ou à la campagne, dans une pièce fermée ou une autre ouverte à tous les vents.
L’ambiance s’avère très importante. Par exemple, les romans d’Agatha Christie nous embarquent dans l’Angleterre du XXe siècle. Les décors associés à la météo, aux habitudes culturelles, à l’intelligence des personnes font des romans de cette auteure des œuvres toujours lues et à tout âge.
À lire aussi Le mystère de la chambre jaune, de Gaston Leroux. Am Stram Gram, de M. J. Arlidge, beaucoup plus récent et terrifiant.
Dans le défi que j’ai relevé, écrire un roman policier, le lieu le plus important est l’étage où vit mon héroïne, Esther, qu’elle appelle sa bulle de verre. C’est l’endroit où elle se replie, d’où elle observe le monde, un lieu qui lui ressemble beaucoup. Et j’espère que quand les lecteurs auront terminé de le lire, ils garderont en mémoire cet endroit, peut-être plus encore que l’histoire.
Alors, vous êtes prêts à créer l’endroit parfait pour vos personnages ? Vous êtes partants pour cet exercice d’écriture créative ?
Je serais curieuse de les découvrir. Vous pouvez m’envoyer des extraits à l’adresse contact@les-passagers-des-mots.com et je pourrais vous faire un retour.