Les passagers des mots Conseils de lecture 10 héros antipathiques de la littérature

10 héros antipathiques de la littérature

Dans mon dernier article, je parlais de l’importance des personnages. Ils portent l’intrigue, nous emmènent dans leur histoire. Le héros est habituellement sympathique, provoquant chez le lecteur de l’empathie, voire de l’identification. Cela rend un roman efficace. Malgré tout, il existe des héros antipathiques dans la littérature. Voici quelques-unes de ces figures ambigües (classées selon l’accessibilité lié à l’âge du lecteur).

Julie Julot

(à partir de 10 ans)

Pour amorcer cet article, je peux commencer avec Julie, personnage principal de ma série Miss Rabat-joie, que j’ai fait paraître en auto-édition. J’ai eu des réponses plutôt positives de quelques éditeurs, mais tout ne leur convenait pas, notamment le fait que l’héroïne ne leur était pas sympathique. Effectivement, quelques lecteurs ne l’ont pas supportée. D’autres l’ont adorée. Moi-même, j’ai aimé la créer, parce qu’elle porte des valeurs reconnues, mais difficilement applicables dans notre société. Elle n’est pas ambigüe, comme peuvent l’être certains des personnages de mes romans. Cela montre deux éléments à prendre en considération quand on écrit une fiction :

— 1, il est important que le lecteur puisse apprécier le héros, s’y attacher, s’y identifier.

— 2, les lecteurs n’ont pas tous les mêmes attentes. Ce qui plait aux uns peut déplaire aux autres.

Conclusion ? Construire un personnage est compliqué. Tout dépend du public, de l’époque. En jeunesse, les héros doivent être de bonne moralité et sympathiques. Mais comme nous allons le voir avec les personnages suivants, le malaise qu’ils provoquent peut aussi être un gage de qualité et de succès.

Julie Julot, dans Miss rabat-Joie, de Florence Dalbes Gleyzes
Miss Rabat-joie

Artémis Fowl

La série Artémis Fowl, d’Eoin Colfer. Gallimard, 2001.

Il est rare de trouver dans la littérature jeunesse des personnages aux valeurs dégradées. C’est pourtant le cas d’Artemis.

Le héros d’Eoin Colfer est l’anti Harry Potter, l’antihéros. Ce personnage de littérature jeunesse ne s’embarrasse pas de bons sentiments (cela ne le rend pas antipathique pour autant, il amuse plutôt). Petit génie de l’informatique, il n’a qu’une idée : retrouver un niveau de vie fortuné, amenuisé à la disparition de son père. Pour cela, il est prêt à tromper le monde des fées. Intelligent, maigre, pâle, de condition physique épouvantable, ce héros du mal n’hésite pas à manipuler ceux qui sont moins subtils que lui. « Artemis est décrit comme l’archétype du génie du mal : cupide, sombre, froid, associable, égoïste, redoutablement intelligent. » Wikipédia.

Malgré tout, il évoluera au fil des huit tomes de la série. Des valeurs plus morales, voire des sentiments plus doux, vont s’accentuer tout au long de ses aventures.

À partir de 10 ans.

Artémis Fowl, d'Eoin Colfer.
Artemis Fowl

Max

Un héros particulier, ce Max, de Sarah Cohen-Scali, Gallimard, 2012, dans un roman jeunesse conseillé à partir de 14 ans.

Konrad (Max) nait d’un projet nazi : le lebensborn. Le but de ce projet est de créer des Aryens parfaits en sélectionnant la mère et le père. Les enfants sont ultérieurement éduqués comme de bons petits nazis. L’originalité de ce roman, c’est qu’on suit le point de vue de Max alors qu’il n’est qu’un embryon, et déjà nazi convaincu, jusqu’à son adolescence. Son discours est brutal, fort, froid, heureusement adouci par la plume pleine d’humour de l’auteur. Max va grandir, se montrer détestable, mais son amitié avec Lukas, un enfant juif, va remettre en question son éducation et ses valeurs.

Un roman captivant et perturbant.

Max, de Sarah Cohen-Scali
Max

Rudolf Lang

Le héros de La mort est mon métier, de Robert Merle (paru en 1952 chez Gallimard) est une réplique de Rudolf Hoess, le commandant d’Auschwitz.

On assiste à l’éducation très stricte de Rudolf, ses années à l’armée, et l’avènement du partie nazi auquel il adhère. Il monte les échelons jusqu’à devenir le commandant du tristement célèbre camp d’Auschwitz. On voit un homme dénué de sentiments qui ne fait qu’exécuter des ordres, très minutieux et consciencieux. Il n’est pas antipathique en soi, on en viendrait presqu’à le comprendre.

Ce roman est écrit d’après les témoignages de Rudolf Hoess. Il permet de mieux appréhender cette partie obscure de l’histoire, les actions commises par simple application des instructions. Il fallait des gens obéissants et consciencieux pour mettre en place un système de destruction.

Le mort est mon métier, de Robert Merle
La mort est mon métier

À partir de 15 ans.

Meursault

L’étranger de Camus est le troisième roman francophone le plus lu dans le monde. Paru en 1942, chez Gallimard, le récit met en scène un jeune Français, Meursault, à Alger. Comme certains autres livres précédemment cités, on est marqué par le manque d’émotion du personnage. Il n’éprouve pas de tristesse à la mort de sa mère ni de remords après avoir tué un Arabe. Il est prêt à épouser une jeune femme sans plus de question et accuse le soleil, responsable du meurtre. Le narrateur est le héros lui-même, ce qui nous permet de mieux adhérer à son histoire.

L'étranger, d'Albert Camus.
L’étranger

Lolita et Humbert Humbert

Le roman Lolita de Vladimir Nabokov, paru en 1955, fut décrié dans un premier temps, et même interdit, avant d’être considéré comme un chef-d’œuvre de la littérature moderne. Moralement, c’est discutable, mais littérairement, c’est une œuvre incroyable. Alors oui, cet homme qui tombe amoureux de l’adolescente délurée de sa logeuse (qui devient sa femme), c’est subversif, tendancieux, certainement déplacé. Malgré tout, l’écriture accroche, fait vibrer un récit où l’action s’appuie sur la construction des sentiments, la montée du désir et le tissage d’un piège redoutable. Paradoxalement, on s’attache à ce beau-père pervers, ce qui nous rend du coup aussi pervers que lui. Le point de vue de Lolita n’est pas pris en compte, tout étant décrit par son prédateur. Cela donne ce ton particulier au roman qui laisse au lecteur la responsabilité de son jugement. La pédophilie est au centre de ce roman, mais n’est jamais citée.

À partir de 15 ans

Lolita, De Vladimir Nabokov
Lolita

Quand le narrateur est le héros, on arrive à penser ou à ressentir comme lui, à comprendre sa personnalité. Cela renforce la puissance d’une intrigue en y intégrant toute une partie psychologique.

À partir de 15 ans.

Hindley et Heathcliff

Dans Les hauts de Hurlevent, d’Emily Brontë, paru en 1847, les personnages sont souvent cruels. Tout commence avec l’arrivée d’Heathcliff, un bohémien qu’adopte le père de Hindley et Catherine. Alors que la petite fille se lie vite avec le petit garçon, son frère va entrer en conflit et rabaisser Heatcliff au statut de domestique à la mort de son père. Il est beaucoup question de vengeance, dans ce roman, de malentendu, d’emprise sur l’autre. Les plus gentils d’entre eux peuvent se montrer cruels. L’histoire se déroule sur plusieurs années, entre l’amour et la haine, la place que chacun prend ou qu’on laisse à l’autre. Ces parcours de vie souvent torturés rendent le roman passionnant. L’autrice s’est beaucoup inspirée de ce qu’elle pouvait lire dans les journaux ou de sa famille. Les lecteurs ont pu être choqués par la violence de cette fiction, et surpris aussi, parce qu’il a été écrit par une jeune femme qui vivait en quasi-réclusion.

À partir de 16 ans.

Les hauts de Hurle-vent (ou hurlevent) Emily Brontë
Les hauts de Hurle-vent

Simon Krauss, Franz Beewen et Mina von Hassel

Voici les trois héros de Les promises, de Jean-Christophe Grangé. Albin Michel 2021. Une enquête policière dans l’Allemagne nazie.

Le plus antipathique des trois est Franz, le géant de la Gestapo, brutal et en colère. Le terrain de jeu de Simon c’est plutôt le chantage, la manipulation. Mina est la plus touchante. Alcoolique, mais sensible à la condition humaine.

Ces trois défaillants vont s’allier pour démasquer le sordide tueur des dames du Reich. Ils vont soulever les questions nazies, l’extermination, les Lebensborn, le pouvoir de l’état pour trouver la vérité. Malgré leurs défauts évidents, les héros sont attachants. Le lien qui les relie, leurs faiblesses et leur histoire participent à cette adhésion.

 À partir de 18 ans.

Les promises, de Jean-Christophe Grangé.
Les promises

Jean-Baptiste Grenouille

Le parfum, de Patrick Süskind, paru en 1985 en Allemagne, et 1986 en France (chez Fayard).

L’enfance de Grenouille est terrible. Il survit à tout, mais passe de main en main, de tuteurs perturbés en tuteurs violents. Comme il est dénué de parfum, les gens ne l’aiment pas. Si lui ne sent rien, il est capable de détecter toutes les odeurs, de les découper, de s’en servir pour se construire une cartographie des lieux. Un soir de 1753, il rencontre une jeune femme rousse. Envahi par ses effluves, il la tue, s’enivre de sa fragrance. Il n’a à présent qu’un but : connaître le secret pour conserver les odeurs. Cela le conduira à Grasse mais aussi dans une série de meurtres qui lui permettront de créer le parfum absolu.

Un roman violent et délicat tout à la fois. Le héros de ce récit est plus qu’antipathique, il est psychopathe. Le roman, lui, est captivant. En tous les cas, vous ne sentirez plus de la même façon.

À partir de 18 ans.

Le parfum, de Patrick Süskind
Le parfum

Octave Parango

Dans le roman de Frédéric Beigbeder, 14, 99 € (ou 99 F), paru en 2000, chez Grasset.

D’inspiration autobiographique, le personnage d’Octave est un publicitaire cynique, désabusé, peu appréciable. Il n’a qu’une envie, se faire virer, alors qu’il gagne des fortunes en se soumettant à la volonté des grands groupes qui le paient pour être créatif, mais dans une certaine limite. Entre l’alcool et les prostitués, le héros n’offre que très peu de valeurs morales, même s’il tente de temps en temps de se rattraper en promettant de dénoncer ce monde corrompu. Il quitte sa copine enceinte, côtoie des adeptes de la pornographie, de la drogue, dépense à tout va, et finira par être impliqué dans un meurtre.

L’originalité du roman tient en partie au changement de narrateur, ou du moins de pronom personnel. C’est souvent très drôle et percutant.

À partir de 18 ans.

14,99 € de Frédéric Beigbeder
14,99 €

Pour aller plus loin

Voici un lien d’un forum, dont le sujet porte justement sur les personnages antipathiques. On y retrouve surtout les méchants de chez Hugo ou Zola. On pense aussi au Dr Jekyll, ou Dracula.

https://www.etudes-litteraires.com/forum/discussion/42673/les-personnages-antipathiques-nont-ils-pour-fonction-que-de-susciter-le-rejet-du-lecteur

Voici encore un article qui traite de ce sujet :

https://www.terrafemina.com/article/10-romans-dont-les-heros-sont-legerement-psychopathes_a309933/1

C’est intéressant d’imaginer des personnages ambigus. Ils permettent de réfléchir à la place de l’homme, à sa psychologie, la norme, nos valeurs, nos faiblesses.

Alors, êtes-vous tentés par ces antihéros, ambigus, psychopathes ou antipathiques ? En connaissez-vous d’autres ? Sauriez-vous en créer un ? Ce pourrait faire l’objet d’un petit exercice d’écriture créative ! Vous êtes prêt ? C’est en écrivant qu’on se forme à l’écriture !

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