Pour finir ce mois de septembre avec mes articles sur la littérature jeunesse, je conseille 10 titres sur la Seconde Guerre mondiale. Le sujet est travaillé en classe de 3e. Il n’est pas gai, mais la littérature a l’avantage de l’aborder autrement, avec plus d’émotion, peut-être. Et c’est connu, lire développe l’empathie. Les titres sur cette guerre sont abondants. Je me concentre sur ceux qui s’inscrivent à la limite entre jeunesse et adulte. En voici (plus ou moins) 10, cher passager !
1 Le journal d’Anne Franck. Première publication en 1947
Comment passer à côté du journal intime de cette Allemande juive de 13 ans, réfugiée à Amsterdam, aux Pays-Bas ? On vit de l’intérieur ce qu’ont pu subir une adolescente et sa famille, cachées dans un appartement secret, l’Annexe. La jeune fille écrit ses colères, ses frustrations, ses envies, ses amours et ses petits moments de joie. Le récit s’avère d’autant plus intéressant pour un apprenti écrivain qu’Anne a ce désir de création littéraire. Elle a un certain style, et l’idée originale de s’adresser à une amie imaginaire, Kitty. Beaucoup d’émotion à la lecture de ce récit quand on connaît la fin.
À lire aussi le roman graphique (même titre) d’Ari Folman et David Polonsky. Calman-Levy, 2017.
2 Un sac de billes, de Joseph Joffo, publié en 1973.
C’est un récit autobiographique plutôt libre qui relate l’histoire de Joseph et de son frère Maurice de 1941 à 1944. Les deux garçons vivent à Paris, alors que l’envahisseur allemand impose de plus en plus de restrictions. Le port de l’étoile jaune inquiète les parents. Aussi, ils vont demander à leurs deux plus jeunes enfants de fuir pour rejoindre deux de leurs frères à Menton. On suit le parcours de ces deux garçons rusés et téméraires. Au travers de leurs aventures et quelques passages drôles liés à leurs âges, on comprend l’absurdité du système mis en place à cette période. Un livre jeunesse à lire dès 10 ans. Et l’adaptation en BD est disponible.
3 Inconnu à cette adresse, de Kathrine Kressman Taylor, paru en 1938 et réédité en 1995.
1932, États-Unis. Deux amis marchands d’art se séparent, parce que l’un d’eux, Martin, retourne en Allemagne, alors que Max, juif, reste en Californie. Ils vont correspondre sur plusieurs années. Au fil de celles-ci, l’on voit les idées de Martin évoluer, de plus en plus conquis par la propagande nazie, au point de remettre leur amitié en question.
Un court roman important qui, par le biais des lettres, nous présente deux points de vue, notamment l’aveuglement des citoyens allemands, l’enthousiasme montant pour une pensée qui montrera ses limites.
À lire aussi : Matin brun, de Franck Pavloff, dont j’ai parlé dans mon article sur l’inclusion et le racisme.
4 Effroyables jardins, Michel Quint, paru en 2000
Le narrateur a honte de son père qui se déguise en clown. Son oncle devra lui expliquer pourquoi, ce qu’il s’est passé pendant la guerre, cet événement qui donne au déguisement de clown plus de splendeur. Ce roman montre que tous les Allemands n’étaient pas semblables et que certains étaient même de très belles personnes, plutôt horrifiées par ce qui était en train de se dérouler.
Un récit court, mais pas forcément des plus aisés à lire. Il reste un livre positif et important pour mieux cerner cette période trouble.
5 Sobibor, de Jean Molla, Gallimard, 2003
Emma, 17 ans, souffre d’anorexie mentale. Mais sa maladie a une cause, qu’elle va découvrir en enquêtant. Pourquoi le silence de ses parents ? Quels secrets dans l’histoire familiale ? Qu’est-ce qui la détruit ainsi ? Le thème de ce livre n’est pas tant celui de la maladie que les camps d’extermination, celui de Sobibor. Le roman met en avant la transmission des actes, l’indicible qui cherche une voie pour être mis à jour. L’histoire d’une famille touchée par les actions de l’un de ses membres. Très beau roman, très fort, très sombre. Plutôt à partir de 14 ans, classé en jeunesse.
6 La voleuse de livres, Markus Zusak, publié en 2005 en Australie et 2007 en France.
La mort raconte. Elle raconte la Seconde Guerre mondiale, à Berlin, quand elle pouvait se nourrir à foison, elle raconte aussi la rencontre avec Liesel Meminger, une préado aux cheveux blonds qui va se mettre à voler des livres. La mort la croisera plusieurs fois, et emporte son frère, tout d’abord, mais elle ne compte pas s’arrêter là.
Liesel se retrouve seule, dans une famille d’accueil. Hans, son père adoptif, la soutiendra pour apprendre à lire, mais pour tout en général. Elle rencontrera des amis, des ennemis, l’absurdité aussi d’un pays en colère.
Une superbe histoire qui oscille entre le réalisme et le fantastique. On est embarqué dans ce récit original, par des personnages touchants, un quotidien qui s’invente au milieu d’une guerre destructrice, comme tous les conflits. Pour les plus grands. Ce n’est pas un livre classé en jeunesse.
7 Je marchais malgré moi dans les pas du diable, de Dorothée Piateck. Petit à petit, 2006.
François vit à Strasbourg en 1939. La population est amenée à l’exode, pour se protéger. Mais comme la guerre éclate, les Alsaciens n’ont pas d’autres choix que de rentrer chez eux et de faire face à l’envahisseur allemand. Celui-ci cherche par tous les moyens à les embrigader. Les enfants et adolescents sont appelés dans les jeunesses hitlériennes. Que va faire François ? Comment résister ?
Roman intéressant pour mieux connaître cette partie de la France que se déchirent deux nations. De quelle patrie se sent la population ? Et comment les jeunes pouvaient-ils ne pas marcher dans les pas du diable ? Littérature jeunesse accessible dès 12 ans.
8 Le garçon en pyjama rayé, de John Boyne. Gallimard 2007.
Bruno, un Berlinois de 9 ans, apprend qu’il doit quitter sa belle maison : son père, officier nazi, est appelé pour une mission ailleurs, dans un autre endroit. Et Bruno ne s’y plaît pas vraiment, dans cet autre endroit. Le personnel de maison a l’air triste, ça sent mauvais et de sa chambre il voit de drôle de silhouettes, un peu plus loin. Il y aurait des enfants de son âge, ce qui est une bonne nouvelle. Mais pourquoi portent-ils ce qui ressemble à un pyjama rayé ?
L’histoire est racontée du point de vue de l’enfant, qui ne comprend pas ce qui est en train de se jouer. D’ailleurs, un jeune qui lirait ce livre sans avoir la culture historique pourrait ne rien saisir de la réalité, puisque tout est au second degré. Un livre jeunesse conseillé à partir de la 3e. C’est une réussite, ce regard d’enfant sur une des pires périodes de notre histoire, où le nom d’Auschwitz résonne comme une condamnation.
À lire aussi : Quand Hitler s’empara du lapin rose. Judith Kerr, L’école des loisirs, 1987.
9 Max, de Sarah Cohen-Scali, Gallimard, 2012
Ce titre aborde les « lebensborn », initiés par Himmler pendant la Seconde Guerre Mondiale. Les nazis ont imaginé pouvoir créer le peuple parfait, avec les bons Aryens mâles et les femelles germaniques sélectionnées.
Max est l’un de ces enfants, issu de ce programme. L’originalité de ce livre tient dans le fait que c’est l’enfant le narrateur, alors qu’il n’est encore qu’un nouveau-né, mais déjà maître du monde dans son esprit. Il a la cruauté de ses pairs, la pensée acide, le verbe mordant. L’enfant grandit dans cet univers qui dit de lui qu’il fait partie du monde futur, qu’il est supérieur. Notre protagoniste prend conscience aussi des horreurs qui sont en train de se jouer et délaisse peu à peu ses convictions.
Un roman plutôt difficile à réserver également à un public de plus de 14 ans.
10 Les enfants de la résistance. Vincent Dugomier, Benoît Ers. Ed. Le Lombard, 2015. Bande dessinée jeunesse.
Dans cette BD, trois enfants voient leur monde évoluer au fil de la Seconde Guerre mondiale. Jeunes adolescents, ils s’inquiètent de la tournure de cette guerre et de l’inaction des adultes. La défaite de 1940, les envahisseurs allemands, l’exode, les tués… Ils décident qu’ils peuvent se mettre en action à leur niveau et n’hésitent pas à braver les dangers pour résister. Cette œuvre en plusieurs tomes aborde ces années de 1939 à1945 afin de permettre aux enfants à partir de 9 ans de se rendre compte des événements passés. Elle se lit facilement et instruira les enfants qui n’ont pas encore tout appris sur cette période.
À lire aussi la bande dessinée : La véritable histoire de Myriam, enfant juive pendant la Seconde Guerre mondiale, Anne Powell et Claire Perret. Bayard jeunesse, 2011. À partir de 10 ans.
Pour conclure
Le sujet n’est pas facile, et il existe d’autres titres pour des enfants plus jeunes. J’ai sélectionné ceux qui peuvent être lus par des adultes et des adolescents, et qui ont un véritable intérêt littéraire. La figure de l’enfant et de l’adolescent dans ces ouvrages renforce le côté absurde et vain de cette période. Je vous souhaite une bonne lecture !