La poésie au féminin

Amis passagers, en mars, on fête la poésie, les femmes, et ici la poésie au féminin. Faisons également le tour des événements en ce printemps propice à ce genre. Si le roman est privilégié, l’art poétique a ses adeptes et ses vertus. Je le dis régulièrement : aiguiser son esprit poétique enrichit notre style, notre écriture et rend nos fictions plus singulières, plus profondes. Comme vous le verrez, généralement, les poétesses sont parallèlement romancières. Vous me suivez ?

Saphho, première poétesse. La poésie au féminin commence dans l'antiquité.
Représentation de Sappho

Qu’est-ce que la poésie ?

Poésie :

Nom féminin. Et oui, ça commence comme ça. On a le théâtre, le roman et LA poésie.

(latin poesis, du grec poiêsis, création).

Art d’évoquer et de suggérer les sensations, les impressions, les émotions les plus vives par l’union intense des sons, des rythmes, des harmonies, en particulier par les vers.

Larousse

On parle de versification, pour l’art d’assembler des vers : rythme, rimes, avec un compte précis des syllabes. 4 vers = un quatrain, 3 vers = un tercet.

On peut également composer des poèmes en prose : cette fois, pas de vers, ou de compte de syllabes. Mais un certain lyrisme est tout de même présent, une musique par les sons et le rythme. Rimbaud, Baudelaire et d’autres l’ont souvent pratiqué.

Dans les deux cas, on privilégie la densité et les figures de style (« procédé d’écriture qui s’écarte de l’usage ordinaire de la langue et donne une expressivité particulière au propos », Wikipédia).

La poésie fonctionne beaucoup par image. Comparaison, analogie, métaphore, ça vous parle ? L’analogie explicite est le rapprochement réalisé par exemple entre une personne et un animal, ou un objet, elle est de l’ordre de la comparaison.

Exemple : Tes cheveux soyeux comme la soie

Si l’analogie se fait entre deux éléments totalement éloignés, l’on parlera alors d’analogie implicite, de métaphore.

Exemple : la mer est tombée dans tes yeux, leur offrant la couleur et le sel.

Pendant la période médiévale, les trouvères et les troubadours venaient chanter et jouer à la cour de la poésie lyrique et courtoise. L’origine est donc orale et chantée, ce qui détermine encore la construction et le rythme des poèmes. L’oral est également à l’origine du conte ou du tanka. La poésie sera enfin écrite au XVe siècle avec l’invention de l’imprimerie.

Bon à savoir : Poésie s’écrivait poësie jusqu’en 1878.

La poésie lyrique marque le début de la poésie.
Poésie lyrique

Poétesses célèbres

Si l’on vous demande de citer des poétesses célèbres, est-ce que rapidement des personnalités vous viennent en tête ? Avant de lire la suite, nommez-en 5 pour voir ! Après la lecture de cet article, ça sera beaucoup plus facile. Ce sont les poètes qui sont les plus présents dans notre culture. Pourquoi ?

Tout comme les femmes de sciences, les femmes de lettres ont eu du mal à s’imposer. Ce ne sont pas non plus elles qu’on remarque le plus dans les rayons des librairies ou qu’on étudie le plus à l’école. Longtemps, la femme a eu une instruction au rabais, et on lui faisait bien comprendre que les choses de l’esprit n’étaient pas pour elle. Malgré tout, une dame lettrée était bien vue dans la haute société, et c’était sans doute moins difficile socialement d’écrire que de pratiquer la science. Mais les femmes de lettres étaient tout de même moins nombreuses que les hommes à être reconnues. La femme en est toujours à se battre pour sortir de l’invisibilité. Voici quelques noms de poétesses à retenir, enfin !

Sappho :

Poétesse grecque de Lesbos ayant vécu vers 630 av. J.-C. Il ne nous reste d’elle que quelques fragments et un poème complet. Son œuvre est composée de strophes saphiques (constituée de quatre vers, dont trois de onze syllabes et un de cinq syllabes) et laisse transpirer les crises politiques de l’époque. En effet, avec sa famille elle est contrainte à l’exil. À Mytilène, dans « sa demeure consacrée aux muses », elle éduque des filles à l’art lyrique, à la danse…

Marceline Desbordes-Valmore

Elle est née en 1786, meurt en 1859. elle se lance d’abord dans une carrière de cantatrice et de comédienne. En 1819, elle publie un premier recueil romantique, qui fait d’elle une pionnière de la poésie romantique. Hélas, Lamartine qui publie son livre en 1820 lui fait de l’ombre. Son œuvre est du lyrisme élégiaque (triste). Elle traite d’injustice, de révolte, d’esclavage et de misère. Elle écrit également de la prose et de la littérature enfantine. Si elle est reconnue de son vivant, elle sera malgré tout minorée par la suite.

Emily Dickinson 

1830 – 1886. Cette poétesse américaine ne sera pas publiée de son vivant (ou seulement 12 poèmes sur 800). Elle a une bonne éducation et se consacre un temps à la botanique chez ses parents. Puis grâce à Benjamin Newton qui lui fait découvrir des poètes, elle se met alors à écrire. Thomas Wentworth Higginson, un critique littéraire, lui sera également d’une grande aide en l’encourageant. Emily se retrouvera bloquée dans sa demeure familiale de 1850 à 1882, à s’occuper de sa mère malade, mais aussi à écrire et mettre en page sa poésie. Elle vivra de plus en plus recluse, déstabilisée par les deuils qui vont ponctuer son existence. Elle finit par tomber malade et meurt à 55 ans.

Emily Dickinson, poétesse américains.
Emily Dickinson

Louise de Vilmorin 

1902-1969. elle est d’une famille riche. Elle peint, joue du violoncelle, écrit des poèmes, et est plutôt bohème. Avec son frère, elle initie le Groupe Bossuet, un club humoristique. Elle sera amoureuse de deux hommes de lettres : Antoine de Saint-Exupéry et André Malraux. Mais elle a plusieurs partenaires dans sa vie. Ses romans (son premier roman paraît en 1934 : Sainte-Unefois) seront souvent portés à l’écran. Par ailleurs, elle publie plusieurs recueils de poèmes. Elle rédige notamment la biographie de Coco Channel. Elle travaille également comme scénariste et dialoguiste. Louise est reconnue de son vivant et était Chevalier de l’Ordre national de la Légion d’honneur.

Andrée Chédid

(1920 au Caire — 2011, Paris). D’origine syro-libanaise, elle a écrit des poèmes (dès 1943 sous le pseudonyme A. Lake), des romans (dès 1952), des pièces de théâtre et de la littérature jeunesse. Ses ouvrages traitent de la condition humaine, des liens entre les hommes et le monde. Elle est la deuxième femme à avoir obtenu le prix Goncourt de la poésie (la première est Elsa Triolet en 1943). En 2019, son poème « destination : arbre » a mis les bacheliers dans l’embarras. Peu savaient qu’elle était une femme, et son texte n’a pas été compris.

Sylvia Plath 

27 octobre 1932 – 11 février 1963 : poétesse et romancière américaine. Elle écrit de la poésie dès l’âge de huit ans et c’est dans cet art qu’elle se démarquera le plus. Sylvia fait progresser le genre de la poésie confessionnelle (très intime). Elle a beaucoup imité d’autres poètes pour composer les siens et s’est inspirée également de la nature. Diagnostiquée dépressive, cela se ressent dans son œuvre. Elle atteint la gloire avec Ariel, en 1965 et remporte le prix Pullitzer en 1982, à titre posthume.

Kiki Dimoula

Athènes, 6 juin 1931 — le 22 février 2020. Employée de banque, poétesse et essayiste grecque, elle publie son premier recueil de poèmes en 1952, mais sa renommée augmente en 1971 en obtenant le second prix d’État (prix grec). Elle reçoit le premier prix d’État en 1989. Ses thèmes sont surtout le néant et la mort, le non-être. Elle n’utilise pas de rimes, brode autour de la simplicité.

Louise Glück

1943, Américaine d’origine hongroise. Elle remporte le prix Pulitzer de poésie en 1993 (pour le recueil The Wild Iris), entre autres, car elle est régulièrement primée, et reçoit le prix Nobel de littérature en 2020. Elle joue avec l’intime, le singulier, le pluriel. « ce qui est malléable, inchoatif, non fini, en développement, contrairement au fini, au publié, à l’imprimé » traduction de Marie Olivier. En dehors de sa pratique d’écriture, elle enseigne à mi-temps l’anglais et la « creative writing » à Williams College (Massachusetts). Ses poèmes ne sont pas édités en France, mais on peut en lire dans la revue Po&sie.

Nathalie Quintane

Née en mars 1964, cette poétesse, également enseignante en collège, écrit dans divers genres, a monté une revue, RR (ce qui va la lancer), et joué en tant qu’actrice. Elle lutterait plutôt pour un renouveau poétique, aimant se moquer de la poésie contemporaine, et déjouer les lieux communs du langage.

Cécile Coulon

Pour finir, cette surdouée est née le 13 juin 1990. Romancière et poétesse française, que j’aurais pu insérer dans mon article sur ceux qui ont publié avant leurs 20 ans. En effet, elle publie son premier roman, Le Voleur de vie, à 16 ans (éditions Revoir). Elle reçoit en 2012 son premier prix littéraire (Prix Mauvais genres). Son premier recueil de poèmes paraît en 2018, Les ronces, et reçoit le prix Guillaume-Appolinaire. À lire aussi Noir Volcan, et En l’absence du capitaine.

Cécile Coulon. Poétesse et romancière contemporaine.
Image : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:C%C3%A9cile_Coulon_redux.jpg

D’autres poètes au féminin…

En ce qui me concerne, les premiers noms dont je me suis souvenus, quand j’ai cherché de poétesses, sont :

  • Elsa Triolet. Auteure d’origine russe née en 1896, compagne de Louis Aragon, résistante pendant la seconde guerre mondiale, elle est la première femme à obtenir le prix Goncourt de la poésie ;
  • Louise Labé, née en 1524, appartenant à l’école Lyonnaise, inspirée par Sappho, Homère, Erasme… Elle est réputée pour avoir une grande liberté d’esprit. Mais certains émettent la thèse qu’elle n’est qu’un personnage inventé ;
  • Laura Schlichter dont j’ai parlé dans un précédent article. Poétesse contemporaine à découvrir ;
  • Et Emily Dickinson.

Et vous ?

À lire pour découvrir plus de poétesses :

Voici un livre à acquérir : Je serai le feu, de Diglee (Maureen Wingrove), édition La ville Brûle, 2021. Une anthologie de 50 poétesses des 19e, 20e et 21e siècles, plus ou moins connues, parfois tombée dans l’oubli. Pour chacune d’entre elles, l’auteure a réalisé un portrait ou une illustration originale, rédigé une biographie, et sélectionné ses poèmes préférés. Ce qui est intéressant, c’est le classement : Les consumées, les excentriques, les insoumises… Cela permet de piocher selon notre curiosité. Clémentine Beauvais, excellente auteure que je cite souvent, a traduit les poèmes anglais. Chouette !

Événement, le printemps des poètes

Les initiateurs du Printemps des poètes, lancé en 1999, sont Jack Lang, alors ministre de la Culture, Emmanuel Hoog et André Velter. Le but était de montrer que la poésie avait encore sa place et son dynamisme dans l’espace littéraire français.

Le printemps des poètes est soutenu depuis par le ministère de la Culture, le Centre national du livre, le ministère chargé de l’Éducation nationale et de la Jeunesse.

Cette année, l’édition aura lieu du 11 au 27 mars 2023 sur le thème Frontières et la marraine est Amira Casar, une actrice aux multiples origines, langues, pays habités.

L’événement est largement relayé dans les établissements scolaires. C’est l’occasion pour les enseignants de sensibiliser les élèves à la poésie en leur en faisant écrire, écouter, lire.

Plus de 12 000 manifestations ont lieu en France et à l’étranger, dans les établissements scolaires, les bibliothèques, médiathèques, théâtre, etc.

Evénement : le printemps des poètes, Frontières. Et si on le fêtait au féminin ?
Le printemps des poètes 2023

Ce qu’on peut faire, à cette période :

Accrocher des poèmes un peu partout, au plafond, sur les murs, les poteaux, dans la rue, les établissements, les entreprises… Lancez-vous, on a tous besoin de poésie dans nos vies. Et piochez dans les œuvres des poétesses citées précédemment. La poésie n’a ni frontière, ni genre.

Exemple d’un projet dans un collège de l’Hérault : en partenariat avec la mairie, des élèves de 6e ont travaillé sur les poètes ayant donné leurs noms aux rues. Chacun a choisi un poète et ses poèmes pour les lire. C’est intéressant de faire sortir les adolescents du collège, de leur faire redécouvrir leur environnement urbain, et le nom de leur rue, souvent abstrait pour eux.

La professeure responsable de ce projet a été interpellée par le manque d’auteures féminins. En effet, parmi tous ces noms de rue, elle n’a noté qu’une seule femme, George Sand. « Savait-on seulement que c’était une femme ? » S’est interrogée la professeure.

La parité n’est pas encore à son apogée.

Pour plus d’information :

https://www.education.gouv.fr/le-printemps-des-poetes-7634

À lire aussi, pour faire participer les classes :

L’opération Coudrier 2023 : Visa Poème. Écriture d’un poème et rencontre d’un poète.

Le label Ecole en poésie : quand la poésie se niche au cœur du projet d’établissement.

Ailleurs : Le mois de la poésie

Le printemps inspire le monde entier. Ainsi, au Canada (Québec), on fête la poésie pendant un mois (généralement en mai). Le mois de la poésie est produit et orchestré par le Bureau des affaires poétiques depuis 2008. Le but est de faire entendre la poésie et de la mêler aux autres arts. Les artistes peuvent envoyer une création avant le mois de novembre.

Conclusion

La question de l’égalité est d’actualité. C’est devenu urgent, parce qu’il faudra beaucoup de temps avant que la parité s’inscrive dans un monde dominé depuis des siècles par les hommes. La poésie au féminin est riche, pleine, dynamique et créative. Je vous invite à la redécouvrir, à la distribuer, la déployer sur tous les territoires. Et à en écrire, bien sûr !

N'hésitez pas à partager si vous avez aimé un article.

3 thoughts on “La poésie au féminin”

  1. La poésie au féminin, ton article m’a tout de suite inspirée. Effectivement je ne connaissais que peu de celles qui ont été évoquée, et ma liste de lecture à avoir vient de grandement s’allonger. Merci pour ces découvertes, notamment nos contemporaines. J’ai la chance de connaître une poétesse dont l’écriture concise et ciselée me ravi, si cela t’intéresse de la découvrir : Samantha Barendson.

  2. Merci pour cet article ! Printemps, poésie et féminité. Que des thèmes inspirants pour l’auteure que je suis. J’ai découvert beaucoup de choses en te lisant.

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