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La liste et la mémoire en ateliers d’écriture

Pour cette semaine de la créativité, dont j’ai déjà parlé dans mes précédents articles, je vais écrire sur des sujets d’ateliers d’écriture, deux pistes à suivre et décliner : la liste et la mémoire. Ainsi, même sans participer à mes ateliers, chacun pourra s’inspirer des consignes pour écrire, créer, se mettre à l’ouvrage. Vous êtes prêt ? Le stylo est en l’air, le cerveau aiguisé ? La page de travers ou blanche comme neige ? C’est parti !

Des ateliers d'écriture créative : La liste et la mémoire. Sortez vos stylos.
Ecrire en atelier d’écriture


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Jan de 
Pixabay 

1 L’accumulation, la liste (ou collection)

Un outil très efficace en atelier est de s’appuyer sur ce qui touche directement les participants, et de leur faire écrire une collection de sentiments, sensations, objets, souvenirs, plaisirs, au hasard, mélangés. Cela crée un bel effet sans partir sur une rédaction complexe. Comme dans les contes, on met en place une formule facilitatrice. Adapté à tous les âges.

Voici quelques exemples de consigne à tester.

Je mets en pot… (liste et mémoire)

Je mets en pot : consigne d'écriture sur la liste et ce qui nous plait. Liste et mémoire en atelier d'écriture.
Je mets en pot. Image par Steven Batty de Pixabay

Je mets en pot le rire de mon enfant, ses premiers pas, ses premiers mots.

Je mets en pot le ronronnement du chat, son poids sur mes genoux.

Je mets en pot ta main sur moi et le contact de ta peau.

Je mets en pot les dimanches soir devant le feu, nous quatre de mon enfance

Je mets en pot Sweety, Gypsie, Cannelle, Nono, leurs poils emmêlés, leurs souffles achevés.

La formule pourrait être Dans mon bocal il y a, ou Je mets dans ma valise. On puise quelque chose de positif, parce que l’image du pot ramène à des ressentis que l’on souhaite conserver. On élabore une liste de ce qu’on aimerait garder et goûter de temps en temps au cœur de l’hiver.

L’exercice pourrait partir sur une version plus négative, où l’on peut demander aux participants de rassembler dans une boîte ce qu’ils n’aiment pas, ce qui les dérange. La boîte pourrait être un cercueil, un coffre-fort, en terre, sous le couvercle, je mets au feu…

Avec s j’aime (liste)

Un exercice plus simple encore, qui joue sur les allitérations et une liste de mots. On peut l’utiliser avec des jeunes qui se sentent démunis, un peu craintifs face à l’écriture. Ils peuvent chercher dans le dictionnaire, si vraiment ils se trouvent à court de mots. L’implication de soi n’est pas énorme et le résultat s’avère généralement satisfaisant. Il suffit de choisir une lettre et d’écrire avec le canevas suivant :

Avec S j'aime... consigne d'atelier d'écriture créative qui s'appuie sur la liste, les goûts, les mots.
Photo by Mat Brown on Pexels.com

Avec “s” (lettre de son choix) j’aime sarment, salé, sucré (mots de son choix, commençant par cette lettre).
J’aime sylphide, suicide, sapide, solide, serrer, semer, sacré, sœur, sueur.
J’adore saoule, seule, sale
Je garde saigner, solder, soigner
Je garde suinter, suie, su
Je n’aime pas savoir,
Je n’aime pas sans doute, sang
Je n’aime pas sauce ni sot

Et je laisse soupe, sauce, salade dans un coin de la page
Je déteste salami,
C’est SOMBRE que j’écris en lettres majuscules.

Derrière chaque mot un sens, un vécu, une impression, un goût. Le choix peut être autre hasard, mais le participant peut prendre conscience de ce qui véhicule le mot, du concept, de la sensation, de ce que ça veut dire pour lui. C’est un bel exercice à utiliser avec des débutants.

Les éclats de miroir (liste)

Voici le titre d’un très beau roman de Florence Hinckel, auteure de littérature jeunesse. L’image est évocatrice, fait réfléchir (grâce au mot « miroir », sans doute) et nous renvoie à de nombreuses représentations (le pouvoir des éclats…).

À partir de ce titre, nous allons écrire un poème.

Étape 1 : compléter l’expression « éclat de… » par les différents noms communs qui viennent à l’esprit. La formule peut-être connue ou inventée. Tout décalage est apprécié.

Ex : Éclat de terre, de mer, de rire, de moi, de joie, de peur, éclat de vitre, éclats de verre, éclaboussure, éclatement, éclat de rien, éclat de mort, éclat de vie, éclat de nuit, éclat de jour, éclat de nous, éclat de feuilles, éclat d’automne, éclat de rate, éclat de pensée, éclat de jaune, éclat de puce, éclat d’état, éclat de ballon, éclat de ciment, de mur, de fer…

Étape 2 : retenir quelques-unes des expressions trouvées et essayer de les connecter par des petits mots comme des pronoms ou conjonctions de coordination. Voire quelques verbes ou adjectifs. Vous pouvez les relier de trois en trois (ou quatre en quatre). Terminer par un verbe.

Entre 5 et 10 minutes.

Exemple :

Tous ces éclats de terre, de rire, de feuilles, de nous, emmêlés à des éclats de mer, de joie, d’automne. Et au-delà, tous ces éclats de mur, d’état, de fer, ces éclats de rate, de mort de nuit, basta.

Je reviens à mon éclat de moi, mais c’est ton éclat du jour que je retiens.

Étape 3 : même consigne avec l’expression au bord. 10 minutes.

Il est possible ensuite de jongler avec les deux formules. Exemple :

C’est au bord du gouffre, du monde, de toi, que je me penche.

Au bord du trottoir, de la raison, de l’obscur, du dégrisement que je me tiens.

Au bord de la fureur, de la décence, du chat, que je tangue.

Pliée au bord de la mer, du vide, ou de la trahison.

Ce bord éclaté de l’éphémère.

On s’éparpille.

Tous ces éclats de terre, de rire, de feuilles, de nous,

emmêlés à des éclats de mer, de joie, d’automne.

Et au-delà, tous ces éclats de mur, d’état, de fer,

ces éclats de rate, de mort, de nuit, basta !

Je reviens à mon éclat de moi, mais c’est ton éclat du jour que je retiens.

Viens. Partons.

On pourrait prolonger l’expérience avec Au fond, même exercice. Ou encore Au début. Aux bras. Au cœur… Ce sont des formules facilitatrices comme je mets en pot.

En moins d’une heure, il est possible de rédiger un beau poème. Les effets de répétitions, d’accumulations, les mots imagés, nappés d’émotions, de sens, les expressions détournées permettent d’introduire de la force dans les phrases. Les verbes engagent de l’action. Le fait de terminer par un verbe donne un mouvement, un élan qui embarquera le lecteur.

Les éclats de miroir, consigne pour atelier d'écriture, utilisation de la liste, la collection.
Les éclats de miroir


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Shah Zairul Azmi de 
Pixabay 

2 Ramener les souvenirs dans l’écriture

Dans l’article sur l’inspiration, je dis que puiser dans sa mémoire est d’une très grande richesse. Sans vouloir en écrire un roman ou une biographie, on peut toujours rédiger des textes ou des poésies. Très adaptées en maison de retraite, ces consignes sur la mémoire sont possibles à tout âge.

Je me souviens (liste et mémoire)

Une des consignes les plus connues est le Je me souviens de Georges Perec.

On joue également sur le jeu de la liste, comme à l’exercice précédent, mais en restant centré sur la mémoire. Elle peut être utilisée avec tout le monde, jeune ou vieux. À partir du moment où l’on sait écrire, on a des souvenirs que l’on peut enjoliver, souligner, rendre doux ou poétiques.

Exemple :

Je me souviens du goût de la fleur de trèfle, et des vallons verts à ma hauteur.

Je me souviens du short et des sabots, l’été quand on sait qu’il fera beau, de l’odeur de la pluie sur la terre chaude, des escargots qui s’enfuient, ou qui se baladent, on ne sait pas ; je me souviens des bruits d’échos, sous les halls de l’école, des bancs pour la photo, et de ne pas savoir s’il vaut mieux être devant ou en haut ; je me souviens de mes cahiers, remplis de lignes et de fautes, de mes ambitions, de mes promesses pour après ma mort, je me souviens de l’encre et du stylo plume, dissociés sur mes doigts d’un bleu de tunique, je me souviens du beige de l’Afrique et du vert de la Seine-et-Marne, des voyages en voiture, la nuit, à dormir à la croisée des phares…

Les sens sont souvent sollicités dans le jeu du Je me souviens. Cet exercice permet de poser des éléments importants de son passé, des éléments généralement positifs, que l’on pourrait aimer vouloir revivre en les rappelant à notre mémoire.

Le musée de ma vie (liste et mémoire)

J’ai utilisé cette consigne d’écriture lors de ma Session Salinger. Le héros se promène dans un musée, dans lequel il vient depuis l’enfance, et toujours il y retrouve l’Esquimau en train de pécher, les oiseaux en route vers le sud… Il énumère une collection de scènes et comprend que seul lui a changé.

« Rien ne serait différent. Rien, excepté vous. »

Cela m’a donné l’idée de cette directive. Que présenterais-tu au musée de ta vie ? Ce qui serait figé derrière une vitre, des scènes de la vie qui t’ont marqué ?

Comme le Je me souviens, et le Je mets en pot, je liste des souvenirs, mais en prenant bien conscience que tout cela est fini, que celui qui rédige a évolué. Il y a un côté plus nostalgique, sans doute, dans cette consigne, mais également plus développé.

Exemple :

Derrière les vitrines de mon musée, il y a l’ours, immense, poilu, sombre, en attente de nous, revenus d’Afrique.

Il y a aussi les champs de fraises, notamment celui en bas du jardin, toujours à l’époque où elles rougissent ;

Et derrière, des enfants, chez des voisins, des enfants maltraités ;

Toujours les ronces, dans lesquelles on m’a poussée ;

Et toujours, la neige tombée en silence, quand la classe s’agitait, et la maîtresse nous l’a fait remarquer.

Toujours la chienne, assise derrière le volant, à nous attendre dans la voiture. Et toujours, elle attend. Les oreilles dressées. Inquiète. C’est elle qui n’est pas revenue ;

Dans mon musée, il y a surtout la maison de vacances, immense, endormie et réveillée à notre arrivée, son jardin éparpillé, qui monte, qui monte… La terrasse où l’on mange en famille, dans le désordre les bougnettes, et les croquants, les rousquilles, les bras de gitane, les grillades, les cargolades, les pêches, puis dans la vitrine d’à côté, y’a le Boulès, à sec, qu’on traverse pour rejoindre les vergers, et toujours au même étage, les grands-parents ; ma mamie qui rigole, mon papy qui bricole, son sifflement, et leurs prières.

C’est un exercice d’atelier d’écriture sans doute plus difficile pour de jeunes adolescents, mais pas impossible. Il ne nécessite pas une grande imagination puisque l’on puise dans les souvenirs en s’aidant de la liste. La rédaction posera plus de problèmes.

Liste et mémoire en atelier d'écriture. Le musée de ma vie. Liste de souvenirs comme consigne.
Le musée de ma vie : Image par Gerd Altmann de Pixabay 

La balade (mémoire)

À l’extérieur, lors d’une promenade, tous les sens sont utilisés. Ils nous permettent d’analyser des messages, des informations. Une fois enregistrées, celles-ci nous laissent des traces. Excellent exercice en maison de retraite, le récit d’une promenade en extérieur, avec ce que l’on a vu, senti, entendu, goûté pourra aussi s’adapter à un jeune public. Pour les uns, ce sera la reconquête des sens et des mots, pour les autres, l’apprentissage de la nuance et du vocabulaire qui va avec.

La balade peut être déclinée : balade en ville, à la campagne, à la mer, en vélo, à pied, seul, à plusieurs, balade gourmande, balade sous la pluie, la nuit, la neige… Elle peut ne pas être réelle, mais s’appuyer sur des souvenirs. L’écrivain ne fonctionne pas autrement, il ressort des sensations déjà vécues.

Exemple :

La balade et la mémoire en atelier d'écriture. Souvenirs, sensations, liste.
La balade : Image par Prawny de Pixabay

Sur ce chemin piétonnier, que j’ai longtemps imaginé, je me sens un peu chez moi, parce que plusieurs fois par semaine je l’emprunte, suivant les déviations, bifurquant ici ou là, souvent à l’ombre, sous les grands chênes. Je le regarde s’allonger jusqu’à très loin, la vue coupée par les bosquets, les feuilles, les bosses ou les promeneurs. Quand il pleut, le ruisseau se remplit, la pluie se multiplie, fractionnée par les feuilles. Celles-ci chuchotent ou crépitent, tombent mortes et mollissent, se collent à mes baskets, sans le faire exprès, emportée par ma cadence, parce que oui, je marche vite, toujours pressée. Je m’oblige parfois à m’arrêter, pour regarder l’eau couler, le brun et le vert, le beige et le tendre, les éclats de lumière, ou les fenêtres d’ombre. Mais ce beau chemin, de ceux qu’on aime arpenter, avec un chien, ou des amis, seul, le matin, le soir, peu importe, n’a pas ma préférence. Il mène à mon quartier, il mène au cimetière, à la piste cyclable, chez des amis. Il est très utile, fréquenté, organisé. Pourtant, j’ai une inclination pour l’autre côté, où le soleil se montre plus franc quand je passe par le champ, d’un vert clair aux saisons humides, rempli de pâquerettes, de mauves, de crottes de chien, aussi. Et plus loin, sous les figuiers, mûriers, chênes et arbres de Judée, dont le seigneur en hauteur, d’un rose insolent, oui, plus loin, on trouve les violettes, le jaune du millepertuis ou des boucles d’or. Odeur de sous-bois ou de fruits trop murs, d’herbes ou de calament, de mélisse, et de pisse, oui aussi. C’est plus sauvage, plus varié que sur le parfait petit chemin.

Conclusion

La consigne pousse à la créativité. Elle impulse le mouvement, l’idée, la contrainte qui permet d’innover et d’aller là où l’on ne pensait pas. Alors, cher Passager, es-tu prêt à tenter quelques exercices ? Les collections de souvenirs sont riches en inspiration. La liste et la mémoire permettent de t’entraîner avec ou sans atelier d’écriture.

Et je serai ravie de lire tes créations en commentaire !

 

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