J’ai organisé dernièrement un atelier d’écriture : l’écrit-vin. Il s’agissait d’allier deux univers où les mots sont importants, où le vocabulaire et les sens sont sollicités : écriture et œnologie. Et les passagers des mots ne pouvaient choisir meilleur magasin que Les passagers du vin ! Voici les consignes et les textes des participants ! Bien sûr, cet atelier ne se fait qu’avec des adultes ! Pour les enfants, on préférera une boutique de bonbons ou une pâtisserie ! Ça me donne des idées, tiens !
mage par
Aline Ponce
de
Pixabay
L’étitexte : de l’étiquette au texte
Le premier exercice d’un atelier a pour mission de détendre les participants, de l’aider à entrer dans l’écriture. Le jeu est une bonne approche. L’idée était de faire découvrir la boutique, son univers, en proposant aux écrivants de noter les noms des étiquettes qui leur plaisaient, éventuellement de s’appuyer sur les illustrations et les cépages.
Ensuite, avec tous ces jolis noms, il fallait composer un texte. Chacun pouvait en faire ce qu’il souhaitait, les utiliser tous, seulement quelques-uns, broder ou pas du tout.
Tatiana appelle à la liberté :
À la Rouviole, plus on est de fous plus on rit. Mais, suite au coup du berger qui voulait de la côte rôtie, l’enfant terrible de la ferme, le cochon, surnommé « cochon volant », car il avait l’humeur vagabonde, voulait rejoindre ses frères sauvages, les sangliers.
Avant de partir, il dit d’abord à ses copains : « Foi de Pig’s nose, je ne suis que le premier. Vous serez les suivants. Partez, vous aussi, tant que vous le pouvez encore ! ».
Philippe et la mélodie
Tel un poète qui s’envole sur la lune
Une mélodie de l’âme pour rêver
Comme des oiseaux qui partent
À l’aventure dans le ciel
Comme un thème d’aventure
Marion, Boudu !
Alphonse et le Cochon Volant sont athlètes.
Pour une last dance, ils feraient n’importe quoi pour passer un temps pour elle, avec elle, et sentir son souffle d’ange.
Mais boudu ! elle leur a fait la manufacture de cristal ! culotté !
Un méchant coup de berger pour les frères Sauvages.
Une dernière cartouche et elle s’envole sur une mélodie d’ange.
No sexe for butterfly !
Sophie et les copains
3,2,1
Et c’est parti avec les athlètes du vin !
Vint d’ici, vint de là,
traversant la plage
et finissant dans le Syra je
ne sais pas comment
Mais c’est bien comme ça.
Boudu !
Il n’y a pas mieux que les athlètes du vin
pour devenir les meilleurs copains.
Comme on dit : “les copains d’abord” !
Flo, Alphonse et Marie
Alphonse et Marie
Ont l’humeur vagabonde,
plutôt poète et perruche,
Et c’est bien comme ça.
Avec le cochon volant,
Ils sont des frères sauvages,
Des frères de vent.
Ils ont plusieurs cartouches à leur arc,
Plusieurs vies à défendre.
Quand ils soufflent,
C’est le souffle des anges,
L’envol des anges,
Les anges de Bacchus,
ET c’est bien comme ça.
Plus on est de fous,
Plus l’esprit se méprend.
La dégustation aveugle
Cette première dégustation, un blanc particulier, permet de se concentrer sur ses sensations. Le participant prend le temps de regarder, sentir, goûter, tout en notant ce qu’il perçoit, ses associations, ce qu’il ressent. On demande de faire attention à la couleur, la lumière, les effluves, les souvenirs… Ensuite, et seulement après, le caviste apporte sa théorie, donne le vocabulaire adéquat, raconte l’histoire de ce vin.
Tatiana dans le sable
La fraîcheur du soir, les pieds dans le sable, admirant le soleil couchant, écoutant le bruit de la mer. Un verre de blanc à la main. La robe est claire, il est épicé et rond. Parfait pour accompagner des fruits de mer et des crevettes à la mayonnaise.
Philippe et le serre blanc
Brume du matin
Reflets du soleil sur l’eau
Fluidité du temps
Douceur d’un nuage
Marion et le contraste thermique
En penchant le verre, une ligne parfaitement transparente borde le verre, signe de force en alcool.
Frais, la buée s’est déposée à la surface, en contraste thermique avec l’air et la chaleur de mes mains.
Sa robe claire d’un pépin de raisin à la pulpe claire me fait penser à de l’or, ou une robe du soir.
Je ne sais pas reconnaître les goûts, seulement quelques vagues souvenirs.
Vin minéral ? Agréable avec du fromage et certainement avec des fruits de mer.
Sophie poivre et sel
Oh mon blanc miroir !
Dis-moi qui tu es ?
Dans tous les sens
Tu reflètes la clarté de ton esprit
poivre et sel.
Flo à la cave
Odeur de pierre, de cave
Goût glissant, pépite un peu, légèrement.
Frémissant quand on le chauffe entre les doigts, dans la bouche,
jamais persistant.
Il se vide avec moins de splendeur
Et affectionne les chips.
La dégustation éclairée
Cette fois, le caviste accompagne d’abord les participants en leur faisant déguster un rouge. Il explique la volonté du vigneron, le contexte de ce vin, ses particularités.
Les écrivants écrivent dans un deuxième temps. Chacun s’inspire des perceptions et de l’histoire de cette cuvée, Le casque à pointe. Le champ lexical du vin est mis à disposition. On peut l’associer à un autre domaine, à une émotion, un événement, être en décalage, comme chacun le sait c’est toujours apprécié.
Tatiana et le voleur
« Allez, on sort les casques à pointe ! Je ne peux plus reculer ! C’est ce soir ou jamais ! ».
Il s’élança sur le toit. Il faisait frais. Sa silhouette élégante et élancée se détachait sur le mur voisin, éclairée par la lune à la robe claire. Il descendit le long d’une gouttière jusque sur le balcon de l’hôtel et, d’un geste d’expert, ouvrit la fenêtre de la chambre.
En entrant dans la pièce à pas de velours, il fut saisi par le parfum capiteux de la duchesse. Il le savait, le coffre était derrière le tableau de Cinsault, représentant des cépages du Languedoc. Il le décrocha et le posa délicatement sur le lit. Puis il colla son oreille près de la molette du coffre. Quelques cliquetis plus tard, la porte s’ouvrit. Il rafla tous les bijoux qui s’y trouvaient. Mais où était le rubis ?!! Cette magnifique pierre, pas plus grosse qu’un gros grain de raisin écarlate, qu’il convoitait tant et qui lui avait fait prendre tous ces risques.
Un bruissement de tissus le fit sursauter. Il se retourna brusquement. Dans un fauteuil du salon, un éclat rouge scintilla sur la peau fine de sa propriétaire :
« Vous cherchez quelque chose, Mister Flatnöse ? ».
Philippe sur le sable
Une femme à la peau fine
À la robe claire
Fuyante aux regards rubis
Une femme à la peau fine et claire
Avec sa robe fuyante et déstructurée
Se promenait sur de gros grains de sable
Marion et le casque à pointe
Trois copains rugbymen, des costauds qui appellent leur vin « Casque à Pointe », en souvenir à leur sport.
Brutes épaisses ou animaux sauvages, tels des sangliers dans la garrigue, ils sont pourtant allés créer un vin à l’opposé de leur carrure :
Rouge rubis, aux notes de framboises, avec si peu de tanin qu’on peut le boire aussi frais qu’un blanc ou un rosé.
Trois gaillards qui nous donnent un vin plutôt féminin ; qui l’eût cru ?
Une femme forte toutefois, aucune faiblesse dans ce vin, qu’on ne s’y trompe pas !
Sophie et la technique du cinsault
Danse des rugbymen
“ka maté, ka ora”
Allons-y, on fonce !
Brut de décoffrage, mais non !
Tout se passe en finesse mais pas trop
Le milieu de terrain possède le rubis
Aves ses coéquipiers, ils utilisent la technique de Cinsault (cinq sauts)
Avec de la framboise.
Ils gagnent la partie.
Le coup de sifflet se fait entendre,
Et après l’effort, le réconfort !
Glouglou !
Bonne dégustation.
Flo et toujours Alphonse et Marie
Dans ta robe rubis, presque transparente, tu t’avances sur la pointe des pieds, légère. En cinq sauts te voilà à la barrière. Ton parfum sucré vole au-dessus des barreaux de bois, vers lui, tout blanc de fatigue, le casque doré et mouillé. En bloc, les hommes font masse, casque à pointe du match.
Il est frémissant, et chez elle rien ne dépasse, que sa main qui franchit la barrière vers lui, iodé, curry, immortel.
Et elle, tout en framboise, a la structure d’une aile.
Conclusion
Pourquoi cet atelier d’écriture : l’écrit-vin ? Parce que les sens sont indispensables dans l’écriture. L’auteur donne de la chair et de la vie à ses phrases en retranscrivant ce qu’il perçoit du monde. À partir d’une dégustation de vin, on peut explorer les sens, les ressentis, fouiller dans le vocabulaire technique, dans un champ lexical riche et imagé. Le but est de sortir ce vocabulaire de son contexte. La vie est-elle autre chose qu’une dégustation à grande échelle ?
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