Atelier d’écriture Comme Proust partie 2

L’atelier d’écriture Comme Proust partie 2 (clique ici pour relire la première partie). L’œuvre de Proust est excessivement riche. Aussi, j’avais envie de proposer encore aux volontaires de travailler sur des textes, et pour les consignes de m’inspirer de cet auteur complexe et de son récit, A la recherche du temps perdu, et plus particulièrement Du côté de chez Swann.

Tu me suis à bord de mon navire de la littérature ? Celle des sens, du langage élaboré, de l’humain, surtout ? Adulte, adolescent, enfant, tout le monde peut se retrouver dans l’univers de Proust.

Atelier d'écriture Comme Proust partie 2.
Marcel Proust,


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By Unknown author – https://theculturetrip.com/europe/france/articles/the-haunting-truth-behind-frances-literary-legend-marcel-proust/, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=77736845

Le questionnaire de Proust

À l’origine, c’est un jeu anglais, intitulé Confessions, datant des années 1860, prisé par les contemporains de l’époque à qui l’on demandait de répondre de manière originale, personnelle, à ce questionnaire pour mieux se connaître.

Proust y aurait répondu par trois fois, la première fois à quinze ans et la dernière sans doute vers 19 ans. Dans le même genre, on retrouve les portraits chinois (si j’étais un animal, je serais… Si j’étais une plante, je serais…). Bernard Pivot a souvent utilisé le questionnaire de Proust pour mieux connaître ses invités.

On attend des réponses développées qui mettront en valeur l’esprit du participant. Voici les questions (clique sur ce site, Philo5, pour télécharger un exemplaire) :

Les questions :

  • Ma vertu préférée :
  • Le principal trait de mon caractère :
  • La qualité que je préfère chez les hommes :
  • La qualité que je préfère chez les femmes :
  • Mon principal défaut :
  • Ma principale qualité :
  • Ce que j’apprécie le plus chez mes amis :
  • Mon occupation préférée :
  • Mon rêve de bonheur :
  • Quel serait mon plus grand malheur ?
  • À part moi-même, qui voudrais-je être ?
  • Où aimerais-je vivre ?
  • La couleur que je préfère :
  • La fleur que j’aime :
  • L’oiseau que je préfère :
  • Mes auteurs favoris en prose :
  • Mes poètes préférés :
  • Mes héros dans la fiction :
  • Mes héroïnes favorites dans la fiction :
  • Mes compositeurs préférés :
  • Mes peintres préférés :
  • Mes héros dans la vie réelle :
  • Mes héroïnes préférées dans la vie réelle :
  • Mes héros dans l’histoire :
  • Ma nourriture et boisson préférée :
  • Ce que je déteste par-dessus tout :
  • Le personnage historique que je n’aime pas :
  • Les faits historiques que je méprise le plus :
  • Le fait militaire que j’estime le plus :
  • La réforme que j’estime le plus :
  • Le don de la nature que je voudrais avoir :
  • Comment j’aimerais mourir :
  • L’état présent de mon esprit :
  • La faute qui m’inspire le plus d’indulgence :
  • Ma devise :
Le questionnaire de Proust, à utiliser en atelier d'écriture créative, notamment dans l'atelier Comme Proust partie 2.
Le questionnaire de Proust


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Anemone123 de 
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Bien sûr, on peut adapter les questions au public, en remplacer, moderniser, simplifier, ce qu’a fait d’ailleurs Marcel Proust avec le questionnaire anglais.

L’exercice est plaisant, plutôt ludique, et amorce l’idée d’écrire sur soi. On peut prévoir vingt minutes, si l’on veut essayer de creuser un peu.

Pour lire les réponses de l’auteur, clique sur l’article Wikipédia qui propose les questions originales, celles de Proust et ses réponses.

Mes réponses (à ne lire qu’après avoir répondu !) :

  • Ma vertu préférée : celle qui sauverait l’humanité de ses vices.
  • Le principal trait de mon caractère : la contradiction
  • La qualité que je préfère chez les hommes : qu’ils me laissent tranquille.
  • La qualité que je préfère chez les femmes : la capacité à faire tant de choses.
  • Mon principal défaut : le doute
  • Ma principale qualité : le doute
  • Ce que j’apprécie le plus chez mes amis : de m’apprécier, ce qui n’est pas toujours évident.
  • Mon occupation préférée : lire sur un canapé, avec une tasse de thé, une couverture et mon chat.
  • Mon rêve de bonheur : la possibilité de savourer plusieurs fois par jour mon occupation préférée. À défaut de chat, ce peut être la tête du chien, parfois.
  • Quel serait mon plus grand malheur ? Perdre le goût de vivre, ce qui arriverait si je perdais ma famille.
  • À part moi-même, qui voudrais-je être ? Une autre. Ah, mais je suis déjà une autre. ! J’écris.
  • Où aimerais-je vivre ? Dans un pays chaud, qui me permettrait de ne pas travailler, ou du moins de ne pas m’aliéner. Un lieu où la coopération remplacerait le capitalisme. En gros dans un lieu qu’il reste à construire.
  • La couleur que je préfère : le rouge alizarine. Le diapré.
  • La fleur que j’aime : la pâquerette, petite et légère, claire et lumineuse, avec son cœur jaune. On l’effeuille, par amour.
  • L’oiseau que je préfère : le rouge-gorge, il est trooop mignon ! Ou le colibri, parce qu’il fait sa part.
  • Mes auteurs favoris en prose : Marcel Proust, Emile Zola, Colette, et Sandrine Collette, et Yasmina Behagle, et Yasmina Kadhra…
  • Mes poètes préférés : Baudelaire, Verlaine. Prévert. Mais j’aime piocher partout. J’apprécie beaucoup les poèmes de l’instagrameuse @laura_dans_lair.
  • Mes héros dans la fiction : Les miens. Et tous sont qui portent en eux leurs paradoxes avec une grande acceptation.
  • Mes héroïnes favorites dans la fiction : les miennes, pour les mêmes raisons. Et Ophélie, aussi, dans La passe Miroir.
  • Mes compositeurs préférés : difficile. Je pense à Stromaé. Ravel. Mais je n’ai pas assez de connaissance dans le domaine.
  • Mes peintres préférés : Van Gogh, Turner, Dali. Pour les contemporains, je ne les connais pas. Il y aurait bien eu mon grand-père, s’il n’avait pas utilisé des couleurs froides.
  • Mes héros dans la vie réelle : Pierre Rabhi, Arthur Rimbaud. David Henry Thoreau. Ceux qui osent et se rebellent. Mon chien, toujours de bonne humeur.
  • Mes héroïnes préférées dans la vie réelle : Colette. Elodie Mopty. Ma mère. Ma chatte : elle passe son temps sur le canapé avec un livre, une couverture et un thé.
  • Mes héros dans l’histoire : Olympe de Gouge. Marie Curie. Greta Thunberg.
  • Ma nourriture et boisson préférée : les fruits, les biscuits (les gaufres au chocolat, surtout) et le thé.
  • Ce que je déteste par-dessus tout : avoir froid. Du moins pas trop longtemps. Un petit peu suffit, de quoi apprécier le thé et la gaufre pour se réchauffer. Mais trop longtemps, non, je déteste.
  • Le personnage historique que je n’aime pas : Napoléon, un peu trop guerrier pour moi.
  • Les faits historiques que je méprise le plus : les annexions de territoires. Puis l’avènement de l’agriculture, parce que sous couvert de nous libérer, ça nous a enchaînés.
  • Le fait militaire que j’estime le plus : celui qui abandonne le combat, pour épargner la population.
  • La réforme que j’estime le plus : la réforme de soi-même, puisqu’on porte le pouvoir de montrer ce qu’on voudrait des autres.
  • Le don de la nature que je voudrais avoir : celui de m’éparpiller aux quatre vents.
  • Comment j’aimerais mourir : en dormant, sans le savoir, plutôt vieille, mais en forme.
  • L’état présent de mon esprit : un état trop rigide, à mon avis.
  • La faute qui m’inspire le plus d’indulgence : les miennes. Et peut-être la lâcheté, parce qu’on a peu de prise sur le courage.
  • Ma devise : Regarde le donut, pas le trou.

Dans la chambre de Léonie

Léonie est la tante du narrateur de À la recherche du temps perdu, celle qui lui fait manger un morceau de madeleine trempé dans du thé. Elle ne bouge guère de sa chambre, se disant malade et fragile. Le personnage est croqué de manière caustique, mais également avec tendresse.

Je te propose, mon cher passager, de jouer à Léonie.

« elle en attendait pourtant le retour avec impatience depuis le commencement de la semaine comme contenant toute la nouveauté et la distraction que fût encore capable de supporter son corps affaibli et maniaque. Et ce n’est pas cependant qu’elle n’aspirât parfois à quelques plus grands changements, qu’elle n’eût de ces heures d’exception où l’on a soif de quelque chose d’autre que ce qui est, et où ceux que le manque d’énergie ou d’imagination empêche de tirer d’eux-mêmes un principe de rénovation, demandant à la minute qui vient, au facteur qui sonne, de leur apporter du nouveau, fût-ce du pire, une émotion, une douleur ».

Marcel Proust gardera aussi sa chambre, les dernières années de sa vie, affaibli et pris dans l’écriture de sa série. Comment dans un univers retreint peut-on créer un univers immense ? La pensée est d’une grande puissance.

Consigne :

Tu es dans l’obligation de vivre dans une chambre (la tienne ou une imaginée). Elle est ta seule source de distraction, avec la visite parfois de quelques personnages. Elle est ton horizon, bien que par la fenêtre tu puisses te divertir davantage. Te voilà en Léonie, qui a fait de sa chambre un pays, avec ses mystères, ses loisirs, ses plaisirs. Décris une journée dans ce lieu, en développant les détails qui le composent, les jeux de patience, des péripéties imaginaires. À la première personne, ou à la troisième, les effets seront différents. 20 minutes.

Exemple 

J’attends qu’on m’apporte le thé, le pain et la confiture, celle de fraises, ma préférée, et peut-être que j’irai m’installer à la table du bureau, face à la fenêtre, où le soleil vient se rouler de bon matin. Lui et moi nous blottirons sur la chaise, à regarder la plante verte qui pousse avec courage dans son si petit pot. Il faudra que je demande qu’on lui trouve une meilleure résidence, qu’elle s’y épanouisse, en silence, mais avec panache. Alors, pour patienter, je me demande si des moutons ne se sont pas invités, à traîner leur saleté sous le lit ; il me semble en avoir vu voler un, entre la porte et la caisse en bois, où mon fils range les livres qu’il ramène de la bibliothèque. Il y a bricolé des roulettes, pour la faire rouler jusqu’à moi, les jours où, vraiment, non, je ne me sens pas d’aller au-devant des choses, en traversant la pièce, cet espace sans meuble, où pas même un tapis ne m’indique par où passer.

J’attends, je compte les battements de mon cœur, et j’écoute. Dans la rue, à cette heure, le voisin part promener son chien, il aboie chaque fois, ce chien. J’attends, la lumière me semble épaisse, peut-être que je me suis réveillée trop tôt. Et puis il y a ce tableau, juste en face du lit. On y voit ma grand-mère dans son jardin, en train de nourrir des chats, des vagabonds de passage. Je me souviens, comme elle les aimait, et comme toujours elle les attendait sous les grands arbres.

Atelier d'écriture Comme Proust partie 2, Dans la chambre de Léonie, tante du narrateur de Du côté de chez Swann
Dans la chambre de Léonie, tante du narrateur de Du côté de chez Swann


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Sur la table de la cuisine.

Ce sont les détails, les visions originales, différentes, qui font les œuvres. Marcel Proust avait ce don de voir de l’extraordinaire dans de l’ordinaire, ses sens toujours en éveil, la poésie de son cœur battant la même mesure que l’organe.

« Je m’arrêtais à voir sur la table, où la fille de cuisine venait de les écosser, les petits pois alignés et nombrés comme des billes vertes dans un jeu ; mais mon ravissement était devant les asperges ; trempées d’outremer et de rose, dont l’épi, finement pignoché de mauve et d’azur, se dégrade insensiblement jusqu’au pied — encore souillé pourtant du sol de leur plant — par des irisations qui ne sont pas de la terre. Il me semblait que ces nuances célestes trahissaient les délicieuses créatures qui s’étaient amusées à se métamorphoser en légumes (…) »

Écrire, c’est savoir dénicher dans les œuvres de la nature, ou les créations humaines, quelques divergences ou autres dimensions. Comme en peinture, on donne à voir différemment, par la mise en valeur, l’amplification ou le décalage. La métaphore est une merveilleuse méthode pour donner plus de compréhension, plus de grandeur à ce qu’on regarde.

Consigne :

Sur la table de la cuisine sont posés quelques aliments. Décris-en un ou deux, avec précision, grandeur et surtout poésie. Les métaphores sont attendues ! 15 minutes.

Exemple :

Sur la table en bois de la cuisine, dans l’ombre, entre le panier vide et des sacs en papier encore pleins, j’ai posé les aubergines au violet mauve d’une clarté originale, les courgettes, droites et vertes, et les tomates, cœur de bœuf, gonflées et imposantes, puis les oignons, du genre à se faire passer pour tout autre chose, étrange plante aux vertus superposées. Tous les légumes sont propres, d’une brillance suspecte, comme si quelqu’un avait verni leur peau invisible. Ils ont la chair fraîche, ferme, étonnamment résistante au couteau qui les menace. Puis l’intrus, un genre de navet ? De radis ? Je ne sais plus.

On dirait une vieille fille, un peu ratatinée, l’esprit étroit, la peau d’une fumeuse, entre blanc et vert, la mèche de cheveux abîmée, ridicule. Quand les autres se pavanent, se gaussent, peut-être, papotant ratatouille et autre bouillie festive, la chose se tient de côté, tombée là au hasard, sans jambes, sans bras, sans une base assez large pour la soutenir. Alors ce qu’il se passe, dans ces cas-là, c’est le choix du plus moche, le choix de ce qu’on ne regrettera pas de ne plus regarder. On le coupe. La lame s’enfonce, et du légume on en fait deux. Coupé en son milieu, le radis, je me souviens, présente une chair à l’éclat putassier. Ni carmin ni grenat, pas de sang, pas de mal, de jus, ou de coulée. Du crimson, peut-être, un rouge qui penche vers le rose, ravissant, dans un tourbillon propre et net, lisse, attrayant. Je me souviens du nom du radis, et cela lui va comme un gant. Beauté intérieure.

Et voilààà ! C’est à toi, mon cher écrivain !

Dans la cuisine, Atelier d'écriture créative Comme Proust partie 2.
Dans la cuisine, Atelier d’écriture créative Comme Proust.

Conclusion

Après avoir travaillé les personnages, on aborde ici les lieux, notamment avec la consigne Dans la chambre de Léonie. Il est intéressant de pouvoir décrire ce qui nous entoure et de le rendre captivant, doux, à portée de notre conscience. Ce qui est aussi le cas avec Sur la table de la cuisine où l’on donne à des objets, des éléments, des aliments, une singularité qui peut pimenter, si ce n’est le récit, au moins les descriptions.

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