Corriger son roman

Achever une œuvre littéraire prend du temps, et à l’heure de corriger son roman on se rend compte qu’on est loin d’en avoir terminé avec notre texte, qu’il nous reste encore des heures de travail ! Et comme est venu le moment pour moi de retoucher Ce que pense Esther, mon roman du défi littéraire, je vais partager avec vous, mes passagers-écrivains, quelques astuces et conseils.

Corriger son roman.
Quinn Dombrowski corriger son roman

Les trois champs de correction

Lorsqu’on relit un texte, on essaye de balayer trois champs :

La cohérence, l’intérêt de notre œuvre.

Elle dépend de la narration, des personnages, de l’intrigue… tout ce qui constitue un roman fluide et passionnant. On tente donc lors d’une première relecture de percevoir l’effet qu’il fait. Trouve-t-on des choses qui clochent ? Est-ce que c’est agréable ? Compréhensible ? Trop long ? Trop court ? Les personnages sont-ils crédibles, assez développés ? Les dialogues assez naturels ? La fin assez percutante ou adaptée ? Cela reste difficile pour l’auteur qui ne possède jamais un regard neuf sur ce que lui-même a créé. Il connaît les éléments qui pourraient échapper à d’autres.

La qualité de l’écriture.

Est-ce que c’est bien écrit ? Original ? Fait-on preuve de singularité ? A-t-on évité les clichés littéraires ? Les phrases sont-elles bien structurées ? Est-ce que la qualité littéraire sert l’intrigue ? Cela nous renvoie au sujet de l’article sur le fond et la forme. Une histoire peut s’avérer banale, mais prendre tout son intérêt sur la manière de la raconter. L’écriture doit enchanter le lecteur (dans le sens où elle l’embarque autant que l’histoire). Bien sûr, les publics sont différents, tout le monde n’attend pas la même qualité ou la même forme. Pour certaines personnes, une écriture simple et efficace sera attendue, pour d’autres, ce sera la poésie ou la destruction des codes. C’est ici que se crée l’alchimie entre le lecteur et l’auteur.

La correction pure.

Grammaire, conjugaison, orthographe… voilà le moment de réactiver les leçons apprises à l’école. La langue française propose assez de difficultés pour bien nous occuper tout le long de l’amélioration de notre roman. Après l’écriture créative, amusante et plaisante, on passe à l’écriture pure et dure, aux normes, aux règles. C’est beaucoup moins glamour, mais nécessaire. Parce que cela permet la compréhension, sans aucun doute. Je viens justement de trouver un dessin humoristique où l’on voit un monsieur plutôt âgé dire à une jeune femme : « je t’aime bien, tu es marrante » ; et la jeune femme dire « je t’aime bien, tu es ma rente ». Le sens naît des codes tout autant que de la créativité. Ce n’est pas une étape à négliger. Un bon écrivain doit maîtriser les normes, ils participent à sa manière à la culture et à la transmission de notre langue. Il reste parfois quelques coquilles qui ne dérangeront pas grand monde. Mais si le lecteur trouve des erreurs à chaque page, il aura envie de fermer le livre.

Les étapes

Voilà, l’artiste, tu as créé ton œuvre et tu voudrais la partager avec le monde entier, gagner un retour, positif, si possible, du succès, de l’argent, du temps pour écrire encore et encore. Mais avant tout ça, tu dois te remettre à la tâche. Quelles sont les étapes ?

1 – Le repos.

Et oui, ça commence bien, cher passager, comme le bon pain, ta pâte doit lever et toi attendre. Comme nous l’avons dit, l’auteur doit prendre du recul. À la fin de l’écriture d’un texte, il nage encore dedans et aura bien du mal à déterminer les incohérences ou toute autre erreur. Il pourrait même corriger ce qui ne le méritait pas. Combien de temps ? On pourrait parler d’un mois. Et même plus, ça pourrait valoir le coup. Personnellement, j’ai tendance à vouloir aller vite et à retoucher presque aussitôt. Malgré tout, pour mes deux derniers romans, j’ai pris mon temps. Notamment pour Ce que pense Esther, achevé le 15 juillet 2022 et repris à la mi-mars 2023.

2 – Passer un correcteur de base

Les logiciels comme Word ou Libre Office possèdent cet outil. Autant les utiliser et éliminer un bon nombre de fautes d’orthographe et de grammaire. Tout ne sera pas corrigé, loin de là, mais il faut se dire que de toute manière on risque de retrouver des fautes tout au long de la relecture. Alors nous pouvons nous servir des outils à notre disposition dès le départ.

3 – Relecture et impression

Elle peut se réaliser en deux fois. Dans un premier temps, toute bonne méthode exige d’imprimer le premier jet pour la relecture.

  • Personnellement, je le relis déjà une première fois à l’ordinateur pour obtenir un texte le plus propre possible, ou du moins le plus proche de ce que j’attends. J’évalue ce dont on a parlé plus haut, l’intérêt, la cohérence, la structure, les éventuels problèmes de narration.
  • Puis j’imprime. On prévoit généralement une marge afin de pouvoir annoter notre récit imparfait. On peut préférer utiliser des interlignes. Quoiqu’il en soit, il faudra imprimer absolument. La lecture sur papier nous permet de mieux voir, de mieux repérer les fautes, et même de mieux apprécier le fond. Tant pis pour les économies de papier, nous devons tous en passer par là (si je fais une relecture avant impression c’est tout de même par souci écologique).

4 – Lecture active

La première relecture effectuée avant l’impression se concentrait surtout sur le fond. Ce second passage, pour moi, me permet de traquer le plus de problèmes possible, entre fond et forme. Pour certains, ce peut être une prise en compte globale, équivalente à celle que j’accomplis avant impression. C’est à ce moment-là que je gribouille mon manuscrit, en soulignant les fautes, en pointant les phrases faibles ou mauvaises, éventuellement en en suggérant de nouvelles, etc. Je corrige avec une couleur, puis je change de couleur si je relis une autre fois.

5 – Retravailler le texte

Une fois le document ainsi passé au scanner, je le retravaille sur l’ordinateur. Je relis mes annotations et reviens sur chaque page. C’est une phase très longue, en fonction bien sûr des remarques, mais aussi parce que nous retrouvons généralement encore des choses à changer.

6 – Nouvelle session de lecture

On suggère de laisser reposer encore le texte avant de le réimprimer et de le relire une nouvelle fois. On annote des remarques différentes avant de revenir à l’ordinateur pour peaufiner ce qu’on avait déjà bien dégrossi. Changez la typographie et éventuellement la mise en page, si cela ne nuit pas à votre narration, vous aurez (presque) la sensation de découvrir un roman inédit, et ce sera plus facile d’en prendre connaissance à nouveau. Parce que… mauvaise nouvelle, tout écrivain consciencieux devra bien relire le texte quatre ou cinq fois. Souvent plus.

7 – Un correcteur pro ?

Il existe des logiciels de correction assez intéressants et dont je ne pourrais plus me passer. J’utilise par exemple Antidote qui a l’avantage de pointer les répétitions, les mots manquants, les phrases bancales, les problèmes d’orthographe, de conjugaison, grammaire, lexique, verbes faibles… La phase avec antidote s’avère aussi généralement très longue. Je procède chapitre par chapitre, et je me concentre sur tous ces éléments, l’un après l’autre. Tout auteur se doit d’investir dans un correcteur.

Ensuite, nous pouvons demander l’aide d’un correcteur professionnel, une véritable personne qui connaît toutes les normes et possède ses propres outils de vérification. Et qui aura un regard neuf. Je peux vous en conseiller une – testée et approuvée ! A contacter sur Instagram : https://www.instagram.com/lisa_au_fil_des_livres/
Bien sûr, cela a un coût, environ 500 euros pour 300 feuillets, ou 300 euros les 80 000 mots. Pour ceux qui passent par l’auto-édition c’est quasiment incontournable, puisqu’ils ne peuvent s’appuyer sur un éditeur pour s’occuper de ce travail. Ou il faut une équipe de très bons amis qui sont des maîtres en langue française !

8 – Bêta-lecture ?

Le bêta-lecteur me paraît également indispensable. Il est le premier lecteur, celui qui avec son regard vierge va recevoir le texte et partager son ressenti, son analyse. Attention, il ne corrige pas entièrement le roman, il se concentre sur la crédibilité, la cohérence, la structure, la narration… Il donne son avis. D’où l’intérêt de choisir un bêta-lecteur sensible à votre genre. Donnez-moi de la romance et je me montrerais certainement très négative. Vous devez donc faire attention, toute opinion est subjective. Nous trouvons de plus en plus de plateformes où trouver des bêta-lecteurs (par exemple sur https://www.plumavitae.co/ ou sur Instagram).

L’alpha-lecteur est une personne qui va accompagner un auteur dans toute l’écriture de son roman, depuis le début, c’est une autre démarche.

les étapes de correction du roman pour être efficace.
rawpixel.com Les étapes de correction du roman

Des techniques de correction

Lors des étapes précitées, vous allez devoir trouver vos méthodes pour bien repérer ce qui nuit à votre roman. Il existe cependant des astuces déjà éprouvées et recommandées par les auteurs. Comment être efficace ?

La lecture à voix haute.

Peut-être connaissez-vous l’existence du « gueuloir » de Flaubert ? En effet, le célèbre écrivain avait besoin de crier ses textes pour entendre sa cohérence, son rythme, son effet. Il vérifiait ainsi la justesse des mots, la pertinence des phrases. Comme nous l’avons vu dans l’article sur la poésie, voire sur le conte, avant tous nos genres écrits, il y avait l’oral. La musicalité, la pulsation, les sons touchent autant que le sens des formules. Ils disent le style, l’intention et la voix de l’auteur.

Vous entendrez vos phrases en les lisant à voix haute, et ainsi détecterez ce qui peut clocher parfois, par une mauvaise syntaxe, des lourdeurs, des coupures de rythme.

On n’est pas loin du théâtre, mais l’auteur n’est pas loin de l’acteur.

Lire à l’envers

Cette méthode est utilisée pour corriger un texte sans que le lecteur soit perturbé par la trame, la narration. Si l’on s’attache à chaque phrase, en partant de la fin, nous ne cherchons plus à être touchés, ou nous ne sommes plus embarqués dans l’histoire. Effectivement, lorsque nous nous confrontons à une phrase seule, nous aurons tendance à mieux percevoir telle faute d’orthographe ou telle coquille de conjugaison. Néanmoins, c’est difficile de tenir sur tout un roman et personnellement je n’y suis jamais parvenue. Autant la méthode à voix haute demeure pour moi une étape que j’applique, autant celle-ci me semble très ardue et ennuyeuse. Mais… il faut ce qu’il faut.

La lenteur.

Encore une fois, nous devons prendre du temps. Notre texte est écrit, on est pressé de le publier, d’en finir, il commence parfois par nous prendre le chou, et oui… Mais nous devons le chouchouter. Sans lire à l’envers, on peut le feuilleter, phrase après phrase, en faisant attention. On regarde le sujet, le verbe, leur accord, les pluriels, les COD, les verbes en é ou er, les virgules, la pertinence des mots employés. Finalement, on va repérer nos points faibles et les éliminer de plus en plus facilement.

Pour plus d’idées, un article sur ce blog, ici.

La gestion du temps.

En dehors de la lenteur, l’auteur doit s’organiser. L’exercice prend de l’énergie, on fatigue assez vite, surtout au moment de la traque des erreurs d’orthographe et de grammaire. Essayez de repérer votre durée de disponibilité. Je pense qu’une demi-heure est une bonne moyenne. La méthode Pomodoro suggère d’effectuer une tâche non-stop pendant 25 minutes, gérée par un minuteur, et de s’octroyer une pause de 5 minutes. On réalise ainsi une session de 4 fois 25 minutes avant d’obtenir une trêve de vingt minutes. Mais c’est à chacun de déterminer le temps qu’il peut passer à corriger pleinement sans laisser son esprit dériver. Il vaut mieux faire peu et bien, que beaucoup et mal. De plus, avec la pratique on progresse. On pourra se concentrer plus longtemps.

La lenteur est une des techniques de correction de roman.
La lenteur, de Milan Kundera.
Frédérique Voisin-Demery la lenteur est une technique de correction.

Conclusion

Voilà, mes passagers, vous pouvez venir à bout de votre texte, corriger votre roman avec votre propre méthode. On évalue la durée pour une correction à trois mois, entre les périodes de pause et les périodes de travail. Tout dépendra surtout, bien sûr, du temps disponible que vous avez dans une journée ou une semaine, de vos compétences également et de la maîtrise des règles du français. Si l’on doit retenir trois éléments : impression papier, antidote et lenteur. Avec ça, on démarre bien. Je vous souhaite bon courage pour cette étape ultime !

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