Ah ! Mes chers passagers (j’imagine que vous êtes à peu près un million à me suivre…), voici un nouveau type d’article, plus concret, éphémère, personnel. Je me suis lancé un défi littéraire à l’ouverture du blog, et il me reste un mois pour le terminer : écrire un roman d’après vos directives. Un roman policier, donc.
Je vais aujourd’hui partager avec vous mon expérience de pratique d’écriture en direct, en reprenant les difficultés rencontrées, en créant des liens aussi avec les autres conseils et réflexions que j’ai amorcés sur ce blog.
Le temps : première difficulté à la pratique de l’écriture
Le temps, c’est ce qui manque à beaucoup d’entre nous pour pratiquer l’écriture ou autres loisirs qui nous tenteraient pourtant (c’est pourquoi j’aborde cette notion dans le cadeau d’abonnement à la newsletter). Nous avons un temps limité dans une journée, ou une semaine. Nous le gaspillons sur des tâches courantes qui ne nous motivent pas tant que ça : ménage, devoirs, obligations professionnelles, familiales, médicales, administratives…
Pour surmonter cela, l’envie doit être forte, la ténacité au rendez-vous, la discipline bien respectée. Le temps me manque aussi, entre le travail, la famille, les articles que je dois rédiger pour ce blog et les réseaux sociaux.
Bref, je trouve tout de même quelques instants, parce que je mets l’écriture sur le plan de l’indispensable pour moi. Je sacrifie mes heures creuses. Pourquoi ? me demanderez-vous. Écrire, ne serait-ce pas un loisir ? C’est un loisir exigeant, comme tous les loisirs dès lors que l’on veut se professionnaliser, devenir expert dans le domaine. Tant que le plaisir est là, ça vaut le coup.
J’y passe mes soirées, mes week-ends… mais j’avance relativement vite, par habitude. Le temps, c’est aussi notre force, il donne plus de puissance à notre pratique. Je progresse donc, dans mon défi. Il me reste environ un quart de travail (de rédaction) encore avant le point final (mais en tant qu’auteur vagabond, je ne peux le promettre). Je n’écris pas tous les jours (sur ce projet), mais le projet m’habite, demeure présent, murit malgré les espaces prolongés entre deux phases d’écriture.
Le genre : 2e difficulté de cette écriture créative
On vous le dira souvent : il faut rester dans son genre littéraire, afin d’être identifié par les lecteurs et parce que nous avons en général un genre de prédilection. Il correspond à ce que nous aimons lire. Le but est de réaliser ce roman que nous adorerions lire. On s’applique donc à faire au mieux.
Écrire du policier, voilà le défi pour moi, même si ce n’est pas le genre le plus difficile que je pouvais aborder. La romance aurait été un vrai challenge, parce que je n’apprécie pas d’en lire. J’ai essayé, il y a de nombreuses années, en me disant que, ma foi, ça marche bien, la romance, que je pourrais peut-être en écrire. Mais je me suis trouvée incapable d’en lire, alors encore moins d’en créer ! Attention, je ne parle pas des romans d’amour. D’excellents livres sur le thème de l’amour existent (Belle du seigneur, d’Albert Cohen, E=mc2, de Patrick Cauvin, pour les ados…). Mais la romance possède des codes particuliers auxquels je n’adhère pas. J’aurais eu du mal avec un roman d’horreur également.
Les codes du roman policier, dont j’ai parlé dans un précédent article, ne me paraissent pas si éloignés de ce que je lis et écris déjà (littérature générale, ou thriller psychologique). Mais je n’ai peut-être pas l’esprit pour être au mieux dans ce genre. Je sens la difficulté poindre relativement souvent, toujours prête à retourner dans ma niche, celle qui recueille les borderline, entre thèmes de société et psychologie. Malgré tout, cette contrainte est créative, comme la plupart des consignes, et c’est cela qui est excitant : aborder des rives sur lesquelles nous ne serions jamais allés.
La difficulté, pour moi, maintenant, c’est de trouver la faille qui va trahir le criminel, alors que j’ai bien fait attention à ce que rien ne le trahisse ! Sacré dilemme ! Et je pense que le manque d’habitude de lecture et d’écriture dans ce genre va ralentir mon dénouement. Mais c’est en écrivant qu’on défait les nœuds.
Mon sexe : troisième difficulté (voire défi)
Ah ! Ah ! Ah ! Les femmes comprendront vite. Je pense que si Victor Hugo avait été une femme, il n’aurait pas eu cette carrière éclatante sur tous les plans. Autre époque, me direz-vous, mais on ne se défait pas de ce qui nous précède aussi facilement. Mon conseil serait de rester un vieux loup solitaire (ou vieille louve solitaire) pour réussir en littérature.
Et oui, on en revient au temps et au partage des tâches, des contraintes absolument pas créatives que l’on s’impose dans notre vie.
Alors pas de mari, pas d’enfant, de chat, de chien, de jardin. Une roulotte, peut-être, et du romarin (ça pousse tout seul).
Je me suis équipée de tous ces êtres vivants et je vous informe que c’est plein de poils, de poussière et d’exigences.
Journée d’une écrivaine (qui a pris exprès un jour pour l’écriture)
De bon matin, le chat m’aboie dessus (mais oui !), réclamant dès 6 h 30 son poisson. Tant mieux, se lever tôt c’est excellent pour la performance. Je nourris donc le chat, le chien, aboie à mon tour après le gosse qui ne se réveille pas, allume l’ordinateur à l’avance parce qu’il est long au démarrage, et je me prépare à scribouiller. Après quelques tâches ménagères, pour ne pas m’encombrer l’esprit, je m’installe. Je commence. Puis le mari sort de la douche, passe par là, me parle et… je perds le fil. Pourquoi trouve-t-il des anecdotes à me raconter à ce moment-là ? Il faut attendre que la maison se vide. Et le chat vomit. Et le chien a soif, et le gosse va être en retard. Il part en grognant. La paix s’installe peu à peu. Le silence, enfin. J’écris vite, mais même vite, ça prend du temps. Une journée, une journée seulement. On embarque, on navigue, et y’a le chat qui miaule pour qu’on lui ouvre la porte et on se rend compte en passant qu’on n’a pas fait le lit. Ni lancé la lessive. Retour au bureau, relecture des dernières phrases. Écrire, avancer, l’inspiration gagne sur l’ordinaire.
Petit conseil : quand on écrit, on éteint son portable.
Et bip. Un petit SMS pour vous informer que votre fils n’est pas en cours. Ah bon !? Tant pis, qu’il s’encanaille un peu, ça ne lui fera pas de mal. D’ailleurs, qu’est-ce qu’on va faire, pour le déjeuner ? Midi approche. Vous le voyez bien, dès l’instant où le chien tente de vous hypnotiser (balade-moi ! balade-moi !). Mais il faut finir ce chapitre commencé, on est tellement bien parti. Le chat miaule pour entrer, vous avez bu trop de thé, votre vessie est trop petite, et midi approche (balade-moi ! balade-moi !). Vous commencez à découper quelques légumes, pour les mettre à cuire, Midi est là, écrire deux ou trois lignes encore, parce qu’on est à deux doigts de conclure et que des tas d’idées jouent de la cornemuse dans votre esprit (balade-moi ! balade-moi !), remuer les légumes, et le chat miaule pour sortir. Il faudrait étendre la lessive. SMS du gosse qui veut que vous alliez le chercher, il ne se sent pas bien. Vous lui répondez qu’il a un père.
(Balade-moi, balade-moi.)
Puis, finalement, prise de remords, le père travaille pour de vrai, lui, vous éteignez le gaz, allez chercher l’enfant chéri, lumière de votre vie. Il vous engueule parce que vous en avez mis, du temps ! Vous revenez à la maison, faites rentrer le chat en même temps (on optimise ce qu’on peut), mettez de l’eau à bouillir, et (balade-moi ! balade-moi). Vous demandez au gosse de promener le poilu, mais non, il est trop malade (le nez qui coule, quoi). Alors vous remisez les légumes et vous baladez le chien en râlant, pour au retour jeter les pâtes dans la casserole, à la bourre ; le mari réapparaît, le chat a disparu, vous avez écrit une page…
OK, vous avez compris. Il reste encore l’après-midi. Mais le repas s’éternise, la vaisselle est improbable, la sieste des autres vous endort et le temps est une fumée diffuse qui vous échappe toujours.
Et le personnage ?
La partie création du personnage est ma préférée. Choisir vos prénoms était un plaisir. Je n’éprouve pas de difficulté à inventer mes héros. Ils s’invitent dans ma tête, comme s’ils existaient déjà. C’est presque de l’écriture automatique à ce niveau. Et je respecte pourtant les règles convenues : les personnages ont des troubles à surmonter. Des faiblesses, des forces, des interactions, des secrets.
J’aurais du mal à décortiquer le processus de création en cours sur cette étape. Je pense qu’il inclut mes capacités d’observation, d’analyse et d’empathie. Capacités qui s’enrichissent en vivant et en faisant attention à l’autre. Elles sont plus fines à quarante ans qu’à douze ans. Ce qui n’empêche pas de pouvoir les travailler dès le plus jeune âge. On a tous notre point de vue d’observation, notre culture, notre expérience, notre milieu. Et c’est avec cela qu’on va travailler au mieux.
J’en reviens encore une fois à Joël Dicker, dans L’énigme de la chambre 622. Le père d’un des personnages est acteur. Il possède un cahier où il dessine et invente des personnalités, les fait vivre, leur donne corps. Je n’en dirai pas plus, mais ce pourrait être un exercice à réaliser. Ouvrir un cahier de personnages que l’on crée, enrichi, au fil du temps. On les peaufine, on les fait vivre dans sa tête, sans chercher à écrire un roman.
Ma méthode de travail ou pratique d’écriture
En dehors de la gestion du temps, sur lequel j’ai si peu de prise ?
Règle de base : écrire, quoi qu’il en soit. Écrire fait écrire.
Je me donne des règles pour me canaliser. Écrivaine vagabonde, mais de plus en plus organisée. Ce qui m’aide vraiment, c’est d’avoir au moins deux heures devant moi, du silence, personne dans les parages.
Ensuite, je me suis mis des contraintes d’espace sur la page. Un chapitre = trois pages A4, par exemple. Cela permet de progresser à son rythme et de gérer l’avancée de l’intrigue avec plus de maitrise. En fin de chapitre, on laisse une porte ouverte, des suspensions, des questions (ce qu’on nomme cliffhanger). En début de section, on pique la curiosité, avec un peu de décalage.
C’est ce qui m’a le plus aidée, ces dernières années, j’ai l’impression de mieux tenir la route que lorsque je ne planifiais pas ma structure (tant de pages pour un chapitre).
Je résiste aussi en ne laissant pas trop de temps entre deux sessions de travail. Il peut arriver que ce soit une semaine, mais pas plus. Enfin, je peux m’y mettre même pour dix minutes. Ne serait-ce que de la relecture. Parfois, je m’installe avec mon cahier, mon stylo, et j’écris des idées, des questions, des hypothèses. Il est toujours temps de tenter des plans, des possibilités, des portes de sortie.
Aux petits carnets, je préfère un grand cahier, cela permet de prendre de l’espace, d’écrire beaucoup sur la même page, de faire des flèches et des dessins.
N’hurlez pas au sacrilège, mais je laisse tomber les soirées Netflix plusieurs fois par semaine (je vous assure qu’on a autre chose à faire, on est créateur ou spectateur, à nous de choisir), je repense à mon histoire, y réfléchis quand je n’ai pas le temps de m’installer à l’ordinateur (sur lequel je rédige directement). Et j’écris. Toujours cette règle de base. Écrire. Avancer. Écrire débloque l’écriture et les idées.
L’intérêt du défi, c’est le temps imparti, la promesse de le relever, le regard de l’autre, son implication. Cela peut aussi vous aider à vous y mettre. Mais surtout à améliorer votre écriture, à augmenter votre capacité à la pratiquer. Vous pouvez participer au NaNoWriMo, un challenge d’écriture sur un mois, au mois de novembre, afin de vous motiver à plusieurs. Vous pouvez lire à ce sujet un article dans Le monde ! https://www.lemonde.fr/pixels/article/2016/04/28/ecrire-un-roman-en-un-mois-le-defi-connecte-du-nanowrimo_4910256_4408996.html
Alors j’avance. Et le 15 juillet, j’aurais fini. Parce que je trouverai le temps.
Ça sent le vécu effectivement 🙂 Pour ma part je vis déjà au rythme d’une retraité et ça me va très bien ! Adapte également du grand cahier ! 🤪 J’aime l’expression « écrivaine vagabonde » même si je ne suis pas fan de la féminisation systématique de tous les termes 😉 Bien sûr que tu respecteras la dead line, je suis confiante 😉
Merci pour ce partage. C’est vrai que j’ai féminisé, je pense que je reste sur mon point de vue ! Ma pratique… et voilà, c’est au féminin ! Mais c’est valable pour iels !